A la une L’intelligence artificielle (IA) révolutionne de nombreux domaines de nos sociétés. Elle ouvre pour la météorologie et l’étude du climat de nouvelles perspectives scientifiques.

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Intelligence artificielle et météo : où en est-on ?

14/02/2025

L’intelligence artificielle (IA) révolutionne de nombreux domaines de nos sociétés. Elle ouvre pour la météorologie et l’étude du climat de nouvelles perspectives scientifiques. Acteur majeur de l'IA pour la météo et le climat, Météo-France dispose déjà d’outils opérationnels mobilisant l’IA, et d’équipes au service de l’amélioration de la prévision météorologique et des projections climatiques. 5 questions pour tout comprendre.

1/ Que peut apporter l’IA à la météo ?

La capacité des méthodes d’IA à apprendre des relations complexes et à opérer très rapidement offre un immense potentiel à explorer. Ces méthodes sont particulièrement adaptées à la météorologie et au climat, où les dynamiques et les processus sont complexes, et qui s’appuient sur de grandes quantités de données (stations météorologiques in-situ, satellites, radar etc.).

Autre intérêt, les algorithmes générés par l’IA s’exécutent en des temps très courts et nécessitent peu de ressources de calcul au quotidien pour la production des prévisions. De grandes puissances de calcul et de grandes quantités de données de diverses natures sont toutefois nécessaires pour entraîner ces modèles. 

L’IA permettra donc, et permet déjà, des développements novateurs et puissants dans le traitement de l’information météorologique, que ce soient le traitement des observations, la production des prévisions (y compris au sein des modèles numériques utilisés aujourd’hui pour la prévision météorologique et les projections climatiques) et la production de services.
L’IA peut ainsi aider Météo-France à remplir encore mieux ses missions au service de la sécurité des personnes et des biens, et, plus largement, pour l’accompagnement de la société dans la gestion de sa sensibilité à la météorologie et l’adaptation au changement climatique.

2/ Utilise-t-on déjà l’IA à Météo-France?

Dans le domaine de la météorologie, Météo-France a été précurseur dans l’utilisation de l’IA. L’établissement utilise en effet des formes d’IA depuis plusieurs dizaines d’années, principalement pour la prévision et l’observation du temps. Météo-France dispose notamment d’outils opérationnels et d’équipes mobilisant des techniques d’IA au service de l’amélioration de la prévision météorologique et des projections climatiques.

En 2021, Météo-France a créé en son sein un laboratoire dédié à l’intelligence artificielle, le “Lab IA”, avec une équipe chargée de développer de nouvelles applications fondées sur l’IA. Les activités de recherche conduites à Météo-France intègrent également une part croissante de techniques d’IA.
En 2024, Météo-France a mis en place un premier démonstrateur français de prévision météorologique de fine échelle, avec une résolution horizontale de 1,3 km. Cette avancée a été rendue possible grâce à une IA dont l’apprentissage s’est fait à partir des données produites par le modèle opérationnel de prévision météorologique de Météo-France, Arome. 
 

Espresso, le deep learning au service des Outre-mers
Avec les équipes de son laboratoire dédié à l’intelligence artificielle, le Lab IA, Météo-France a développé « Espresso ». Ce produit permet d’estimer les précipitations sur les territoires d’outre-mer, pour les océans, montagnes et territoires isolés, en temps réel, à partir d’images satellites auxquelles est appliqué un modèle issu de l’apprentissage profond (deep learning). 
Cet outil est opérationnel et a notamment été utilisé lors du passage du cyclone Chido et de la tempête tropicale Dikeledi à Mayotte. Il a permis d’estimer en temps réel les cumuls de précipitation - malgré l’absence de radar sur ce territoire et un nombre limité de stations météorologiques au sol -, et de mieux appuyer les pouvoirs publics dans la gestion de ces événements. 

3/ Aujourd’hui où en est-on ? Les modèles d’IA sont-ils plus performants que les modèles classiques ?

Les performances des systèmes fondés sur l’IA dépendent de la qualité et de la quantité des données fournies pour l’apprentissage, et restent donc dépendantes des systèmes d’observations et d'acquisition de la donnée pour fonctionner.
Dans le domaine de la prévision du temps, l’IA montre aujourd’hui un très fort potentiel pour des prévisions de grande échelle (cyclones ou dépressions hivernales par exemple), mais ne permet pas encore de réaliser des prévisions de petite échelle ou de prévoir de façon précise, par exemple, les quantités et type de précipitation, le verglas sur les routes, les rafales de vent, la turbulence qui affecte les avions, etc. 

Des projets de recherche sont en cours à Météo-France pour aller plus loin. L’établissement développe le premier modèle français de prévision météorologique à échelle régionale fondé sur l’IA. Ce travail s’inscrit dans le cadre de collaborations nationales et avec les partenaires européens de Météo-France, notamment le Centre européen de prévision météorologique à moyenne échéance (CEPMMT) et les autres services météorologiques nationaux européens. 
 

4/ L’IA pourrait-elle remplacer l’expertise humaine ?

L’IA peut permettre de faciliter le travail des prévisionnistes, notamment pour synthétiser les grandes quantités de données dont ils disposent, ou pour leur proposer des premières ébauches de bulletins dans certains cas. C’est déjà le cas aujourd’hui pour l’exploitation des ensembles de prévisions météorologiques : l’IA permet d’identifier dans ces données de prévision la présence de phénomènes météorologiques dangereux tels que les structures orageuses à forts impacts (orages de type “échos arqués”, systèmes convectifs de méso-échelle, c'est-à-dire orages particulièrement puissants, etc.). 
Si la prévision numérique fondée sur l’IA vient compléter la prévision numérique issue des modèles à base physique comme Arome ou Arpege, l’interprétation des résultats par les prévisionnistes continue, et continuera, d’apporter une valeur ajoutée aux productions de Météo-France et à l’accompagnement des partenaires institutionnels et commerciaux dans l’aide à la décision. 
 

5/ Quel apport de l’IA dans la compréhension du changement climatique ?

L’usage de l’IA pour l’étude du climat fait actuellement l’objet de recherches actives, et des travaux de Météo-France ont été publiés sur ce sujet. L’IA permet d’enrichir la production d’information climatique à l’échelle régionale, en complément des outils de modélisation climatiques actuels.

Lors d’opérations de modélisation du climat, la représentation de certains processus physiques engendre des coûts importants. Elle peut être avantageusement remplacée par des algorithmes fondés sur de l’IA. C’est ce qu'on appelle la “modélisation hybride”. Le Centre national de recherches météorologiques (unité de recherche de Météo-France et du CNRS) a par exemple développé une version de son modèle de climat ayant recours au potentiel de l’IA pour représenter les processus liés à la convection profonde (mouvements atmosphériques verticaux, jouant un rôle majeur pour la formation des nuages).