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La Niña ou pas cet hiver ? Et si la question était ailleurs…
28/01/2025Une phase La Niña se définit à partir de l’analyse de l’évolution de l’anomalie de la température de surface de l’océan (SST) dans le centre-est du Pacifique équatorial, avec des seuils d’intensité et de durée. En ce début d’année 2025, l’anomalie est proche de ces seuils, rendant les conclusions incertaines. Et pourtant, certains impacts habituels de La Niña sont visibles depuis plusieurs mois dans certaines régions du monde. Quelle explication à cette apparente contradiction ?
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Depuis la fin de l’été 2024, les températures de surface de l’océan (SST) dans le centre-est du Pacifique équatorial sont inférieures aux normales.
Evolution des températures de surface de l’océan analysées par Mercator Ocean International d'après le service Copernicus Marine.
L’indice Niño3.4 (indice calculé par l’anomalie moyenne sur la région définie entre 5° N et 5°S, et 170°W et 120°W) a varié de – 0,1 à – 0,5 °C entre août et novembre, pour s’abaisser à – 0,7 °C en décembre 2024.
Comment caractérise-t-on La Niña ?
En situation La Niña, l’opposé d’’El Niño, les vents d’est (alizés) se renforcent et favorisent la remontée d’eaux froides des profondeurs dans le centre-est du Pacifique équatorial. La température de surface de l’océan baisse alors plus ou moins fortement. Pour que l’on parle d’une phase La Niña, il faut que cette baisse soit assez marquée (au moins 0,5 °C en dessous d’une climatologie de référence) et persiste pendant une période assez longue de plusieurs mois.
Quelle influence de La Niña sur le climat mondial ?
Les phénomènes La Niña et El Niño touchent l’océan Pacifique, la plus grande étendue d’eau de la planète, et affectent le climat mondial dans son ensemble. En général, les phénomènes La Niña sont moins marqués que les phénomènes El Niño. Les impacts le sont également.
Toutefois, lors d’épisodes La Niña, la circulation atmosphérique peut être modifiée au-dessus du Pacifique. Des conditions plus humides sont alors souvent constatées en Indonésie ou dans le nord de l’Australie, mais aussi en Amazonie et jusqu’en Guyane. Les hivers sont parfois plus doux et plus secs du Mexique à la Floride, mais plus frais sur la côte ouest du Canada.
Si les conditions atmosphériques le permettent et si l’intensité du phénomène est suffisante, les impacts d’un phénomène La Niña peuvent se propager au-delà de la zone équatoriale et de la zone pacifique. Ils peuvent alors concerner en particulier le continent européen.
Sur plusieurs épisodes passés, on a pu constater des situations anticycloniques sur le proche Atlantique plus fréquentes que la normale. Cela peut alors se traduire par des conditions plus sèches que la normale sur l’Europe de l’Ouest. Pour les températures, les impacts sont plus difficiles à déceler. Et ces influences peuvent être contrecarrées par d’autres phénomènes pouvant impacter les conditions de circulation générale sur l’Europe en fin d’hiver.
Entre-t-on en phase La Niña ?
Depuis le mois de décembre 2024, l’anomalie froide de température de surface dans le centre de l’océan Pacifique équatorial a franchi le seuil de - 0,5 °C par rapport à la normale. Les modèles de prévision saisonnière suggèrent le maintien de ces conditions jusqu’en fin d’hiver avant un retour progressif à la normale. Il n’est toutefois pas encore acquis que cette persistance soit suffisante pour caractériser une phase La Niña au sens des indices océaniques classiquement utilisés. La probabilité d’une phase La Niña est actuellement entre 50 et 60 %. Si cette phase devait se produire, l’amplitude et l’intensité du phénomène seraient limitées.
Toutefois, depuis plusieurs mois, la circulation atmosphérique et certains impacts observés sont proches des conditions que l’on constate habituellement en situation La Niña : conditions plus humides que la normale sur le Continent Maritime (Indonésie, Papouasie) et plus sèches que la normale du Mexique à la Californie par exemple.
Cette apparente divergence entre les analyses de l’océan et de l’atmosphère interroge les différents instituts, tels que Bureau of Meteorology (Australie), le Climate Prediction Center de la NOAA (États-Unis) ou encore l'IRI (International Research Institute for Climate and Society, University of Columbia), s’intéressant au phénomène El Niño.
Dans quelle mesure le changement climatique influence-t-il les indicateurs habituellement pris en compte pour ces analyses ? Études et recherches sont en cours, notamment au CNRM (Centre national de recherches météorologiques), pour améliorer la compréhension de la prévisibilité aux échelles interannuelles, dans un contexte de climat changeant.
En savoir plus sur les tendances climatiques à trois mois
Le saviez-vous ?
Le CNRM (Centre national de recherches météorologiques) assure l'essentiel des activités de recherche de Météo-France. Il conduit des recherches et études théoriques, expérimentales et instrumentales dans le domaine des sciences de l'atmosphère, de l'interaction de l'atmosphère avec les autres milieux naturels, des surfaces continentales, du manteau neigeux, de l'océan superficiel et des perturbations engendrées dans l'atmosphère par l'activité humaine.