Climat Monde El Niño, un phénomène océanique de grande échelle.

© Météo-France/François Poulain

El Niño et La Niña

09/06/2023

Le climat dans le monde est affecté par le phénomène El Niño et son pendant La Niña. Ces phénomènes climatiques trouvent leurs origines dans l’anomalie des températures des eaux de surface du Pacifique équatorial.

El Niño et La Niña : des phénomènes océaniques à grande échelle

Sécheresse en Amérique centrale ou en Afrique australe, précipitations intenses sur les côtes du Pérou et de l'Équateur, température moyenne à l'échelle du globe anormalement élevée … Le phénomène El Niño, qui affecte le climat mondial dans son ensemble, impacte également l'activité cyclonique à l'échelle planétaire : certaines zones océaniques enregistrent une activité plus faible que la normale alors que d'autres, comme le bassin Pacifique, connaissent des cyclones particulièrement dévastateurs.

Un impact planétaire

El Niño et son pendant La Niña sont des phénomènes océaniques à grande échelle du Pacifique équatorial, affectant le régime des vents, la température de la mer et les précipitations. El Niño et La Niña correspondent aux deux phases opposées du phénomène couplé océan/atmosphère appelé ENSO (El Niño Southern Oscillation).

À l'origine, l'appellation El Niño a été attribuée par les pêcheurs péruviens à la petite invasion d'eau chaude qui se produit chaque année le long des côtes du Pérou et de l'Équateur aux environs de Noël  - d'où son nom : en espagnol, El Niño désigne l'enfant Jésus. Par extension,  le phénomène climatique correspondant au réchauffement accentué des eaux de surface près des côtes de l'Amérique du Sud porte aujourd'hui le nom d'El Niño. Nous savons qu'il est lié à un cycle de variations de la pression atmosphérique entre l'est et l'ouest du Pacifique, couplé à un cycle du courant océanique le long de l'équateur.

Seul l' ENSO a un impact planétaire aussi marqué. Les deux autres bassins océaniques, Indien et Atlantique, sont trop peu étendus pour permettre un phénomène de couplage aussi important entre circulations atmosphérique et océanique, même s'ils subissent aussi des remontées d'eaux profondes et des régimes d'alizés.

Situation météorologique normale dans le Pacifique sud

Hors événement El Niño, les alizés de sud-est sont bien établis sur la face nord de l'anticyclone de l'île de Pâques (l'équivalent de l'anticyclone des Açores dans l'Atlantique nord). Ces vents réguliers, qui soufflent d'est en ouest, entraînent les eaux chaudes de surface vers l'ouest. Le déplacement des eaux chaudes provoque une remontée des eaux profondes, froides, à l'est du Pacifique, le long des côtes du Pérou. Sur la carte des températures de la mer apparaît, le long de l'équateur, une langue froide caractéristique.

Situation normale. © Météo-France, François Poulain.

Aux eaux chaudes est liée une ascendance de l'air entraînant la formation de nuages et de précipitations ; aux eaux froides, une descendance de l'air entraînant son assèchement. Les précipitations sont donc cantonnées à l'ouest du Pacifique équatorial tropical. Il en est de même des tempêtes tropicales et des ouragans qui épargnent alors la Polynésie française.

Situation La Niña

Certaines années, ces caractéristiques sont particulièrement marquées. On parle d'un événement La Niña.

Situation El Niño

Lors d'un épisode El Niño,  les hautes pressions du Pacifique sud diminuent. Les alizés faiblissent, voire se renversent. Les eaux chaudes de surface, accompagnées de nuages et de précipitations, refluent de l'ouest vers l'est. Ainsi, lors des situations El Niño, des conditions sèches se développent sur l'Indonésie et sur l'Australie, les tempêtes tropicales et les ouragans apparaissent beaucoup plus à l'est qu'à l'habitude et viennent affecter la Polynésie française, tandis que les côtes du Pérou connaissent d'inhabituelles précipitations provoquant inondations et glissements de terrain. De plus, le poisson déserte les eaux côtières d'Amérique du Sud, les eaux chaudes étant beaucoup plus pauvres en nutriments que les remontées d'eaux froides habituelles.

Situation avec El Niño. © Météo-France, François Poulain.

Des épisodes irréguliers

Les événements El Niño apparaissent d'une manière irrégulière, tous les 2 à 7 ans. Ces épisodes débutent en général en milieu d'année et durent de 6 à 18 mois. Ils atteignent leur intensité maximale vers Noël.
En 1997, un épisode El Niño très intense avait été observé, avec à la clef des impacts climatiques et sociétaux importants. Depuis, d'autres épisodes, d'importance moindre, se sont produits en 2002-2003, 2004-2005, 2006-2007 et 2009-2010.

El Niño et le climat mondial

De par son ampleur (augmentation de température de l'ordre de 1 °C ou plus des couches océaniques superficielles dans le rail équatorial pendant plusieurs mois) et  l'étendue de la zone concernée (au niveau de l'équateur, le bassin pacifique tropical s'étend sur une zone large de plus de 10 000 km),  El Niño affecte le climat mondial dans son ensemble. Lors des épisodes précédents, différents types de phénomènes ont été observés :

  • déficit pluviométrique en Australie orientale, Indonésie, Inde, Afrique australe, Caraïbes, nord-est du Brésil ;
  • tempêtes tropicales plus à l'est qu'à l'habitude et venant affecter la Polynésie française ;
  • excédent pluviométrique sur la côte ouest de l'Amérique du Sud, dans le nord de l'Argentine et en Uruguay, en Afrique de l'Est équatoriale, dans les îles du centre du Pacifique tropical et dans le sud des États-Unis pouvant entraîner inondations et glissement de terrain.

Par ailleurs, à l'échelle du globe, la température moyenne a tendance à être anormalement élevée pendant les années concernées par ces épisodes  Ce fut le cas en 1998, année qui a suivi un fort épisode El Niño.

El Niño et le changement climatique

Il n'y a pas, actuellement, de consensus sur la question de l'impact du changement climatique sur ce phénomène. Les modèles actuels d'évolution du climat ne permettent pas de prévoir l'effet du changement climatique sur la survenue et l'intensité des épisodes ENSO. Dans quelques années,  les progrès de la modélisation climatique de l'océan (circulation verticale plus précise) et de l'atmosphère (meilleure simulation du régime des alizés) devraient permettre d'y voir plus clair.

El Niño et la Niña impactent l'activité cyclonique mondiale

Les cyclones sont des systèmes dépressionnaires qui se forment au-dessus des eaux chaudes de la zone intertropicale. Pour qu'un cyclone naisse et se développe, la température de l'océan doit être élevée dans les 60 premiers mètres. Une température élevée permet en effet une évaporation intense et des transferts d'humidité de l'océan vers l'atmosphère, qui alimente en énergie les cyclones.

On constate que l'activité des cyclones majeurs sur le Pacifique est corrélée avec la survenue d'épisodes El Niño et de son pendant La Niña, qui sont les deux phases opposées du phénomène couplé océan/atmosphère appelé ENSO (El Niño Southern Oscillation). Lors des événements El Niño (qui correspondent à une anomalie chaude des eaux de surface au centre de l'océan Pacifique équatorial), on observe un excédent de cyclones majeurs sur l'ensemble du Pacifique. À l'inverse, les années La Niña sont marquées par une activité cyclonique moindre sur cette région.

Ce phénomène océanique de grande échelle influence également l'activité cyclonique au-dessus des autres bassins océaniques. Ainsi sur l'Atlantique les phénomènes El Niño sont défavorables à l'activité cyclonique. Depuis le début 2015, 3 cyclones seulement ont été observés, contre 6 en moyenne.  L'anomalie chaude du Pacifique a pour effet de modifier la structure verticale des vents sur l'Atlantique, qui agit elle-même sur la formation des systèmes cycloniques. Dans le Pacifique sud, la Polynésie, généralement épargnée, est ainsi plus exposée au risque cyclonique en période El Niño. La Nouvelle-Calédonie est, quant à elle,  exposée en période La Niña.

L'ouragan Dorian de catégorie 5 vu du satellite GOES16 le 02/09/2019.

Focus sur le Pacifique

Lors des épisodes El Niño, on observe généralement plus de cyclones dans le Pacifique, aussi bien sur la partie occidentale que sur la partie orientale du bassin.  
Lors du dernier épisode El Niño majeur survenu en 1997, on avait ainsi observé 18 cyclones de catégorie 3 ou plus, 12 dans le Pacifique ouest et 6 dans le Pacifique est.
Lorsque les eaux du Pacifique tropical sont au contraire anormalement froides, l'activité cyclonique est beaucoup plus faible. C'est ce qui s'est produit par exemple en 1999, avec 7 cyclones seulement sur l'ensemble du bassin Pacifique.

Prévoir les épisodes El Niño

À l'échelle de la saison, l'évolution de l'atmosphère est fortement influencée par les variations des océans. En associant des modèles de prévision météorologique à des modèles de prévision océanique, il est possible de réaliser des prévisions sur le climat des six mois à venir. C'est ce que l'on appelle des prévisions saisonnières. Il ne s'agit pas de prévisions classiques décrivant dans le détail des situations météorologiques, mais d'indications sur les évolutions possibles à très grande échelle, notamment en matière de température et de précipitations.

Pour réaliser ces prévisions, nous comparons les sorties de plusieurs modèles. La synthèse établie à partir de ces différentes simulations numériques nous permet de prévoir l'évolution des paramètres climatiques et de dire si, pour une région donnée, le climat a des " chances " de s'écarter du climat standard.   
La prévision des épisodes El Niño relève de la prévision saisonnière. L'évolution de la température de surface de la mer, et en particulier celle de l'océan Pacifique équatorial, peut être prévue à ces échéances avec une précision bonne, voire élevée pour les prévisions concernant l'automne et l'hiver boréal. Les variations de cette température constituent un bon indicateur de la survenue éventuelle d'un phénomène El Niño ou La Niña. Lorsque les prévisions s'accordent sur une augmentation de la température des eaux de surface du Pacifique équatorial, un scénario de type El Niño est probable. Les épisodes El Niño/La Niña sont les phénomènes ayant la meilleure prévisibilité à cette échelle de temps.