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Le cyclone Garance a frappé La Réunion

07/03/2025

Le cyclone Garance a frappé l’île de La Réunion, le vendredi 28 février 2025, avec des rafales de vent dépassant les 200 km/h et des cumuls de pluie dépassant les 400 mm dans l'intérieur de l’île.

Que s’est-il passé ?

Garance a atterri à 10 heures (heure locale) sur le nord de l’île de La Réunion, à proximité de Sainte-Suzanne, au stade de cyclone tropical.

Il a traversé l’île en incurvant sa trajectoire vers le sud-sud-ouest, et ressort en mer vers la mi-journée au niveau de l'Étang-Salé, en étant déstructuré par son passage sur terre. Il s’est affaibli en forte tempête tropicale en commençant son éloignement de l’île dans l’après-midi.

Dans l’alimentation humide du cyclone par le nord, une bande périphérique pluvio-orageuse très active s’est formée dans la partie arrière du cyclone et a concerné directement les secteurs Nord puis Ouest de l’île, toute l’après-midi du 28 février. Les intensités pluvieuses qu’elle a engendrées ont été exceptionnelles sur ces régions. Elle ne s’est évacuée qu’en début de soirée avec la poursuite de l’éloignement du système vers le sud.

Des rafales à plus de 200 km/h

Les rafales ont dépassé 150 km/h de façon généralisée sur une large partie de l’île. Au passage du mur de l’œil, des rafales dépassant 200 km/h ont été mesurées sur le littoral :

  • 234 km/h à Gros-Piton-Sainte-Rose, une valeur qui n'avait pas été relevée depuis le cyclone Hollanda en février 1994 (valeur jamais dépassée pour cette station) ;
  • 213 km/h à l'aéroport de Gillot (valeur la plus élevée depuis le passage du cyclone intense Jenny en 1962) ;
  • 199 km/h à Saint-Benoît, valeur la plus forte relevée en cette station depuis son installation.

Des pluies intenses dépassant les 500 mm

Les cumuls totaux de précipitations ont dépassé les 500 mm dans l'intérieur de l’île, et dépassé localement 200 mm sur le littoral nord de l’île.

Quelques valeurs relevées en 12 heures :

  • 537 mm à Commerson (altitude 2 310 m) ;
  • 490 mm à Aurère (alt. 940 m) ;
  • 403 mm à Salazie (alt. 480 m) ;
  • 587 mm à Plaine des Chicots (alt. 1 830 m) ;
  • 409 mm à Cilaos (alt. 1 197 m) ;
  • 296 mm* à Grande-Chaloupe (alt. 7 m) ;
  • 262 mm à Colimaçons (alt. 798 m).

Les cumuls ont été très intenses sur le Nord, l’Ouest et les Hauts, engendrant des crues. Des valeurs inédites ont été enregistrées sur des pas de temps courts.

Quelques valeurs relevées en 1 heure :

  • 141 mm* à La Possession (alt. 9 m) ;
  • 190 mm* à Commerson (alt. 2 310 m) ;
  • 114 mm* à Petite-France (alt. 1 200 m) ;
  • 146 mm* au Colorado (alt. 702 m) ;
  • 161 mm au Brûlé-Val-Fleuri (alt. 1 069 m) ;
  • 100 mm* au Chaudron (alt. 38 m).

* valeur inédite à la station sur le pas de temps considéré

Une mer dangereuse

Les niveaux d'eau ont connu une élévation estimée entre 20 et 40 cm en raison de la baisse de pression au passage de Garance (surcote), à laquelle se sont ajoutées les vagues formées par les vents.

À Sainte-Marie, on a mesuré des hauteurs moyennes de vagues de 6 m, la hauteur maximale atteignant 10 m.

Ces conditions ont engendré des submersions marines et ont été défavorables à l’évacuation des précipitations via les cours d’eau vers la mer.

Comment s’est formé Garance ?

Le 23 février, une zone de basses pressions se forme à proximité des côtes est de Madagascar, à moins de 100 km de l’île Sainte-Marie. 48 h plus tard, profitant de températures de surface de la mer chaudes (2 °C au-dessus de la normale), cette zone de basses pressions s’organise en tempête tropicale, qui sera baptisée Garance en journée du 25 février. Elle a alors entamé un lent déplacement en direction générale de l’Est.

Dans un environnement qui devient de plus en plus favorable à son développement tant sur le plan atmosphérique qu’océanique, l’intensification du système devient rapide les 26 et 27 février où Garance devient respectivement cyclone tropical puis cyclone tropical intense. Parvenu alors à moins de 300 km au nord de La Réunion, Garance incurve sa trajectoire vers le sud et se dirige alors directement, mais lentement, vers La Réunion.

En soirée du 27 février, Garance atteint un pic d’intensité. Il est alors un cyclone très puissant mais très compact.

À partir de la seconde partie de nuit du 27 au 28 février et lors de l’approche finale de La Réunion, Garance commence à se déstructurer alors que le cisaillement est en hausse rapide. L’affaiblissement du cyclone est bien en cours lorsque le cœur du cyclone, qui n’est plus intense, aborde la côte nord de l’île, dans la matinée du 28 février, après avoir accéléré son déplacement en direction de l’île.

Avait-il été bien anticipé ?

Dès le 23 février, alors que le système n’était pas encore formé, la zone suspecte a fait l’objet d’une couverture particulière car susceptible de concerner les terres habitées. Un suivi avec prévision de trajectoire a été mis en place par le CMRS-Cyclone peu de temps après, en parallèle du suivi d'un autre système évoluant lui, dans le canal du Mozambique.

Les trajectoires prévues et le cône d'incertitude associé ont permis d'identifier très tôt une menace pour La Réunion, ce qui a conduit la préfecture de La Réunion à placer le département en pré-alerte cyclonique dès le lundi 24 février.

Avec une réactualisation des prévisions toutes les six heures, un suivi fin du système a été réalisé jusqu’à son impact sur La Réunion. Ces réactualisations ont permis d'ajuster l’intensité, la chronologie et la trajectoire tout au long de la phase d'approche. En lien avec les prévisions qui confirmaient la menace, le préfet de La Réunion a enclenché successivement l'alerte orange cyclonique le mercredi 26 février à 14 h, et l'alerte rouge cyclonique le jeudi 26 février à 19 h.

Au petit matin du vendredi 28 février, Garance est entré dans une phase d'affaiblissement rapide lors de l'approche finale de La Réunion. Néanmoins, le suivi fin réalisé a permis d'enclencher à bon escient l’alerte violette avec une anticipation suffisante pour permettre la mise en sécurité des secours et forces de l'ordre avant l’arrivée des rafales supérieures à 200 km/h.

Garance est-il un cyclone exceptionnel ?

Garance a abordé La Réunion au stade de cyclone tropical, à la limite du cyclone tropical intense.

En termes d'intensité, Garance est comparable à Firinga, également cyclone tropical au moment de l’impact mais Firinga a surtout marqué le sud de l’île (216 km/h à Saint-Pierre).

Le cyclone en lui-même n'est pas exceptionnel : on observe en moyenne dans l'océan Indien 5 systèmes de ce type par saison.

En revanche, une large partie Nord et Est de l’île n’avait pas connu de vents aussi dévastateurs depuis plus de 50 ans. Les valeurs de vent mesurées aux stations sont pour la plupart du niveau de celles qui avaient été observées lors de cyclones historiques, et certaines n’avaient jamais été enregistrées depuis l'ouverture de la station d'observation.

De la même manière, les précipitations observées lors du passage du cyclone, en particulier sur les Hauts, le Nord et l’Ouest de l’île sont souvent inédites en termes d'intensité (cumuls sur une durée inférieure à 6 heures).

En lien avec la circulation rapide de Garance sur l’île, les cumuls de précipitations sur des durées plus longues (plus de 24 heures) restent inférieurs à ce qui a pu être observé sur d'autres systèmes.

Le changement climatique a-t-il joué un rôle dans sa trajectoire ou son intensité ?

L’attribution au changement climatique, comme tout événement extrême pris individuellement, ne semble pas avéré au premier abord.

Garance est le 7impact direct du mur de l’œil d'un cyclone tropical sur La Réunion sur les 40 dernières années après Clotilda en 1987, Firinga en 1989, Colina en 1993, Hollanda en 1994, Fakir en 2018, et Belal en 2024.

Cependant, sur le nord et l'ouest de La Réunion, au passage de Garance, les cumuls de pluie sur des pas de temps courts (de quelques minutes à 6 heures) ont été exceptionnels. Les projections climatiques compilées dans le 6rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) suggèrent une tendance à l'intensification des pluies cycloniques. Les intensités inédites de pluie mesurées pendant Garance nécessiteront donc d'être analysées finement pour répondre avec rigueur aux questionnements en regard du changement climatique.