Météo-France
Philippe Perrin : « quand on regarde la Terre depuis l’espace, l’urgence climatique est une évidence. »
22/04/2021A l’occasion de la Journée Mondiale de la Terre et alors que Thomas Pesquet s’apprête à décoller pour la station spatiale internationale, l’ancien astronaute français, Philippe Perrin, nous raconte comment il a perçu l’urgence climatique depuis l’espace.
Pourquoi les astronautes sont-ils sensibles à la fragilité de la planète terre ?
Quand vous êtes dans l’espace, vous êtes vous-même en survie. Vous êtes à bord d’un vaisseau, parfois même un petit vaisseau, dans un scaphandre. Vous mesurez alors pleinement tout ce qui est nécessaire à la vie, à commencer par l’atmosphère, qui vous protège des rayons du soleil, très agressifs au-delà. Dans l’espace, on sait ce qui est précieux : l’oxygène que l’on respire, l’eau que l’on boit. Vous êtes dans une capsule, vous mesurez chaque inspiration d’air. En sortie, vous voyez votre jauge d’air qui descend et vous savez que si vous ne rentrez pas à temps, vous n’avez plus d’air. C’est une évidence.
On a alors conscience de la petitesse de la Terre, de ses ressources limitées, de la fragilité de l’atmosphère.
Là-haut, quand on se retourne et que l’on regarde la Terre, on la voit comme un vaisseau , un autre vaisseau spatial qu’on vous a donné à la naissance. Et ce qui est fascinant, c’est que ce vaisseau, il n’est pas si grand que ça. Il est tout petit, il tient dans un seul coup d’œil. Vous pouvez tendre le bras et avoir l’impression de prendre la terre sous le bras à 400 km d’altitude. On a alors conscience de la petitesse de la Terre, de ses ressources limitées, de la fragilité de l’atmosphère. Car ce qui définit l’atmosphère, c’est une épaisseur d’une centaine de kilomètres d’air. Vu de l’espace, c’est comme un petit liseré, sous lequel est posée une vie microbienne. On a l’impression d’un peu de vie sur une orange qu’on aurait laissé pourrir. Si l’on souffle, tout va s’envoler. Cette atmosphère, elle est extrêmement ténue. On va sur Mars pour comprendre pourquoi Mars avait une atmosphère et comment elle l’a perdue. On réalise que tout cela ne va pas résister à l’anthropocène, à cette capacité de l’homme de détruire son environnement.
Comment concevez-vous le rôle de l’astronaute face au réchauffement climatique ?
Les astronautes sont sensibilisés depuis longtemps à la fragilité de la planète. Il sont formés à observer par exemple la fonte des glaciers, l’assèchement du lac Tchad, que j’ai photographié plusieurs fois… Nous suivons ces phénomènes inéluctables qui apparaissent déjà à l’œil nu.
Le propre de l’astronaute est d’avoir cette capacité d’observateur, un peu comme Saint-Exupéry avait la capacité d’observer depuis son avion. En rentrant de l’espace, ça m’est tombé dessus comme une évidence. La prise de conscience sur le réchauffement climatique m’est venue comme une urgence.
La prise de conscience sur le réchauffement climatique m’est venue comme une urgence.
Vous dites avoir ressenti l’urgence climatique comme une évidence au retour de votre mission spatiale. C’était en 2002. Racontez-nous...
Quand je suis revenu sur Terre, j’ai eu le sentiment de revenir sur une planète inconnue. Les portes s’ouvrent : dehors, il fait beau, le soleil chauffe la peau, vous avez plein d’air. Tout est beau, les arbres sont beaux. C’est une révélation. On ne réalise la beauté des choses que quand on en est privé. En rentrant de l’espace, la prise de conscience sur le réchauffement climatique m’est venue comme une urgence. C’est une évidence et à partir de là, ça ne nous lâche plus. C’est la différence entre comprendre avec ses neurones et ressentir avec ses tripes.