A la une Antarctique : températures exceptionnelles et recul record de la banquise.

Getty Images

Antarctique : des températures plus de 35 °C au-dessus de la normale

25/03/2022

L'Antarctique a connu une vague de chaleur exceptionnelle. Une masse d'air anormalement doux pour la saison a envahi ces derniers jours tout l'est de l'Antarctique, avec des températures qui sont au cœur du continent, 20 à 30 degrés au-dessus des normales de saison.

Qu’a-t-on observé en Antarctique ?

Des températures exceptionnelles pour un mois de mars, et même par endroits tous mois confondus, ont été observées entre le 16 et le 20 mars 2022 sur l’est de l’Antarctique. 
Sur la calotte de glace, des records ont été enregistrés à la station russe de Vostok, célèbre pour son record mondial de froid de -89,2 °C le 21 juillet 1983, et à la base franco-italienne de Concordia, située à 500 km au nord-ouest de Vostok à plus de 1000 km du littoral.
À Concordia, à 3 234 m d’altitude, on a relevé -11,5 °C le 18 mars. Il s’agit d’un record absolu tous mois confondus battant les -13,7°C du 17 décembre 2016. Le record mensuel a été pulvérisé de plus de 16 degrés (-27,9 °C, 12 mars 2013).  
Sur la base de Vostok, on a relevé jusqu'à -17,7 °C  qui dépasse de 15 °C le précédent record pour un mois de mars (-32,6 °C le 4 mars 1967). Battre un record mensuel de près de 15 °C, sur une station disposant de plus de 60 ans de données, est du jamais vu dans l’histoire de la climatologie ! Le record absolu de température maximales à Vostok reste les -12,2 °C mesurés au cœur de l’été en janvier 2002.  
Sur le littoral, à la base française de  Dumont d'Urville, en Terre Adélie, le 18 mars en fin de nuit, avant le lever du jour, la température a atteint 4,8 °C, battant l'ancien record mensuel qui était de 3,4 °C le 2 mars 1993. 
Le 16 mars, sur la base littorale australienne de Casey, un nouveau record mensuel de douceur a été établi avec une température maximale de  5,6 °C (précédent record mensuel en mars 4,1 °C).

Ce vendredi 25 mars,  sur la base de Concordia, les températures étaient conformes aux moyennes de saison avec un mercure allant de -63 °C de minimale à -50 °C de maximale.

Les températures sont exceptionnelles pour un mois de mars.

Les températures sont exceptionnelles pour un mois de mars.

Quel est l’état de la banquise ?

Cette situation exceptionnelle se produit quelques semaines après un nouveau record de faible extension de la banquise antarctique, dans une région relativement épargnée par le réchauffement jusqu'à présent.
Sur une archive débutant en 1979, établie à partir de données satellites, aucune tendance significative ne se dégage, que ce soit sur l’évolution du minimum d’extension de glace en février ou celle du maximum d’extension en septembre.
L’étude de l’évolution de la masse de la calotte glaciaire estimée à partir des données satellites Grace de la Nasa depuis 2002 montre une perte. En moyenne sur la période 2002-2020, la perte de masse est de 149 gigatonnes par an, provoquant une élévation du niveau de 0,4 mm par an. Ces changements de masse en Antarctique ne sont pas homogènes sur le continent. Les zones de l’est ont connu un léger gain de masse alors que la perte est significative sur l’ouest de l’Antarctique, notamment dans la région du glacier Twaïtes.

Quelques jours après les températures exceptionnellement élevées en Antarctique de l'Est, l'ice-shelf du glacier Conger, en Terre de Wilkes, d’une surface d’environ 1 200 km², s'est effondré. 
Une ice-shelf est un grand morceau de banquise (c’est-à-dire de la glace flottante) rattaché à la côte et formé par l'avancée en mer d'un glacier. Son effondrement n’a donc pas d’impact sur la montée du niveau des océans, mais l’ice-shelf joue un rôle important dans le maintien du glacier sur la calotte. Sans ice-shef, le glacier s’écoule plus rapidement dans l’océan, ce qui entraîne alors une élévation du niveau de la mer.

Comment expliquer ces températures exceptionnelles ?

Un solide anticyclone s'est établi autour du 15 mars sur l'océan austral au sud l'Australie et au sud de la Nouvelle-Zélande, se prolongeant par une dorsale jusqu'à l'est du continent antarctique, tandis qu'on trouvait une vaste zone de basses pressions, plus classique, plus à l'ouest sur l'océan. Cette situation s'est bloquée durant quelques jours, ce qui a favorisé une remontée d'air exceptionnellement chaud et humide, sous forme d’une rivière atmosphérique, en provenance de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande. Pluie et douceur exceptionnelle ont ainsi été observées jusqu'au littoral antarctique. 

Pourquoi est-ce surprenant ?

Les records sur le continent Antarctique sont liés aux advections de masse d’air doux ou de masse d’air froid. Les situations de blocage atmosphérique se rencontrent partout sur le globe. Le côté inédit de l’épisode est l’énorme amplitude avec laquelle les records ont été battus. Sur la calotte, ils se situent à plus de 35 degrés des normales d’un mois de mars !
Cet événement climatique est de la même ampleur que la terrible canicule en Colombie britannique durant laquelle la station de Lytton a pulvérisé le précédent record national canadien avec 49,6 °C le 30 juin 2019, avant d’être détruite par les flammes. Il est également comparable à la canicule de janvier 2020 an Australie ayant conduit à des feux de forêt plus destructeurs que jamais, ou encore la canicule de juin 2020 en Sibérie où on a enregistré 38 °C à Verkhoyansk, située à 67.6°N de latitude, au-delà du cercle polaire arctique. 
Une étude d’attribution devra être menée pour l’imputer aux dérèglements liés au changement climatique mais il est avéré que la cryosphère (ensemble des zones gelées de la planète : glaciers terrestres, calottes glaciaires (Arctique et Antarctique), icebergs et banquises, pergélisol (sol gelé en permanence), lacs et rivières gelés, neige et glace saisonnières sur les continents) est particulièrement vulnérable au changement climatique. L’explication est le fort albedo de la glace : une partie importante du rayonnement solaire est directement réfléchie vers l’espace et non absorbée par le système terre-atmosphère. Le taux de réchauffement est plus de deux fois plus rapide au niveau du pôle Nord. On parle d’amplification arctique. Elle est liée avec une boucle de rétroaction positive associée à l’albedo. La hausse des températures entraîne une diminution de l’extension de la glace, moins d’énergie solaire est réfléchie vers l’espace par les surfaces glacées, donc plus d’énergie est absorbée, et contribue à augmenter la température.
 

Quelle est la situation en Arctique ?

Le 25 février 2022, la glace de mer de l’Arctique a probablement atteint son étendue maximale pour l’année, avec  14,88 millions de km², soit la dixième plus faible étendue enregistrée par satellite. L’étendue maximale de cette année est de 770 000 km² en deçà du maximum moyen (1981-2010) de 15,65 millions de km². Sur une archive débutant en 1979, les 10 plus faibles extensions de la banquise arctique ont été observées entre 2006 et 2022.