Climat Monde Les glaces de l'Arctique disparaissent de plus en plus.

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L'Arctique face au changement climatique

16/08/2021

La glace de mer de l'océan Arctique connaît aujourd'hui de profondes mutations dans sa structure et sa variabilité. De récentes études avancent que le déclin de la glace de mer arctique pourrait impacter le climat à nos latitudes en modifiant la sinuosité du courant-jet polaire, ce tube de vents forts qui fluctue autour du globe et joue un rôle déterminant dans la trajectoire des dépressions des moyennes latitudes.

conséquences sous nos latitudes

Le centre de recherches de Météo-France (CNRM, Météo-France/CNRS) étudie l'évolution passée et future du climat depuis les années 1980 et se penche plus précisément sur la glace de mer arctique depuis une dizaine d'années. Météo-France développe ses propres outils, en collaboration avec le CERFACS (Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique) : son modèle couplé atmosphère/océan CNRMCM, dont la version 6 a vu le jour en 2017, lui permet ainsi à la fois de produire des prévisions de glace de mer en Arctique à plusieurs mois d'échéance et de contribuer à une meilleure compréhension des interactions entre la zone arctique et nos latitudes. Ainsi il a étudié l'implication du changement climatique dans les évolutions de trajectoire du courant-jet, et a ainsi contribué à confirmer les thèses les plus récentes sur le lien entre fonte des glaces arctiques et évolutions du climat hivernal à nos latitudes.

Le « rail des dépressions »

Le courant-jet est une ceinture de vents très forts qui fluctue autour de la zone arctique. Il est surnommé « rail des dépressions » par les météorologues car il joue un rôle majeur dans l'activité et la trajectoire des dépressions des moyennes latitudes. Chaque dépression, inversement, déforme le courant-jet, l'incurve et a tendance à le repousser vers le pôle : de cette manière, elle exerce durant plusieurs jours une action indirecte sur les trajectoires et l'intensité des dépressions qui lui succèdent. 

La sinuosité du courant-jet peut avoir des influences sur le climat à nos latitudes : lorsque ses méandres descendent très au sud, ils laissent pénétrer l'air froid vers les latitudes moyennes. À l'inverse, lorsqu'il est positionné plus au nord, il maintient l'air froid au-dessus de l'Arctique.

Fonte des glaces en Arctique et vagues de froid en Europe

Au XXe siècle, la température moyenne du globe a augmenté d'environ 0,9 °C et le climat mondial continuera de se réchauffer dans les prochaines décennies. Ce réchauffement n'est pas homogène : l'Arctique est la région du globe la plus touchée. Les températures y augmentent deux fois plus vite qu'ailleurs.

Certaines études scientifiques récentes1 font le lien entre le réchauffement et la fonte des glaces en Arctique et les périodes prolongées de froid et de conditions météorologiques sévères que connaissent parfois en hiver les moyennes latitudes, comme ce fut par exemple le cas en Europe centrale et de l'Est en janvier 2017. Elles avancent notamment qu'en modifiant le différentiel de température entre l'équateur et le pôle, le réchauffement climatique aurait des répercussions sur la sinuosité du courant-jet.

Des résultats sur l'implication du changement climatique dans les évolutions du courant-jet

Une étude2 menée au centre de recherches de Météo-France s'est penchée sur la dynamique atmosphérique des moyennes latitudes. Son objectif : déterminer si des tendances récentes et/ou futures dans la trajectoire du courant-jet sont identifiables et évaluer l'implication du changement climatique dans ces éventuelles tendances.

Sur la période passée récente, cette étude conclut à une légère augmentation de sinuosité du courant-jet, rendant ce courant plus tortueux et provoquant des événements climatiques exceptionnels dans ces régions : on retiendra par exemple une douceur anormale avec des températures entre 0 et 2 °C au pôle Nord le 30 décembre 2015 et une vague de froid en Europe centrale et de l'Est en janvier 2017.

Dans les projections futures, l'étude indique au contraire une diminution généralisée de sinuosité, dans un contexte de climat globalement plus chaud. Le réchauffement tropical en altitude aurait tendance à repousser la partie subtropicale du courant-jet vers le nord sur l'ensemble des saisons.

Une telle situation serait alors moins propice aux événements de blocage dans les moyennes latitudes, caractéristiques de certaines vagues de froid. Les chercheurs du centre de recherches de Météo-France poursuivent leurs travaux pour mieux comprendre ces effets dans le cadre de projets internationaux.

L'Arctique en chiffres

  • Extension minimale moyenne de la banquise arctique sur la période 1979-2010 :

    6,6 millions de km².

  • Extension minimale de la banquise arctique en septembre 2017 :

    4,9 millions de km² ;

         ► déficit de 24 % par rapport à la moyenne 1979-2010,

         ► 5e extension la plus basse depuis 1979.

  • Record de faible extension minimale de la banquise arctique :

    3,4 millions de km² en 2012 ;

         ► 70 000 km² de moins que le 18 septembre 2007, date du précédent record.

  • Record de faible extension maximale de la banquise arctique :

    14,42 millions de km² en mars 2017 ;

         ►extension maximale moyenne : 15,64 millions de km².

  • Épaisseur moyenne de la banquise arctique :

    1 à 2 mètres.

  • 290 milliards de tonnes de glace : c'est le poids perdu en moyenne chaque année par la calotte du Groenland depuis 1996, avec des variations conséquentes d'une année à l'autre. Cette estimation est issue des observations réalisées au moyen du satellite GRACE1. Dans ce contexte, l'année 2017 est particulière, dans la mesure où le Groenland pourrait voir sa masse légèrement augmenter.

  • Ces dernières années, des températures dépassant les normales de 20 à 30 degrés ont été observées plusieurs fois en Arctique. Fin décembre 2015, le pôle Nord a ainsi connu des températures positives alors que la normale 1958- 2002 pour cette période est de - 28 °C.

1 Par exemple Overland et al. dans Nature Climate Change.

2 Cattiaux, J., Peings, Y., Saint-Martin, D., Trou-Kechout, N., & Vavrus, S. J. (2016) : Sinuosity of midlatitude atmospheric flow in a warming world. Geophysical Research Letters, 43(15), 8259-8268.