Changement climatique Va-t-on continuer à connaître neige et froid à Paris ?

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Changement climatique: à quoi ressembleront les hivers parisiens ?

09/12/2022

L'hiver 2021/2022 a été sec et frais à Paris, mais sans grand froid. L'hiver 2020/2021 a été ponctué d’épisodes neigeux et de vagues de froid. L’hiver précédent 2019/2020 a été particulièrement doux. Dans un contexte de réchauffement climatique, l’Agence parisienne du climat (APC) s’est interrogé, avec Météo-France, sur l’évolution du climat hivernal à Paris. Comment a évolué le climat en hiver à Paris depuis un siècle ? Que sait-on sur les hivers futurs de ce XXIe siècle ? Est-ce que 2021 est l’une des dernières années où l’on pourra voir de la neige à Paris ?

Comment évolue le climat en hiver à Paris ?

Cette étude est un décryptage, indicateur par indicateur (températures, nombre de jours de gel, vagues de froid, précipitations, neige, ensoleillement…) des hivers parisiens passés. Il tente aussi de comprendre à quoi pourront ressembler les hivers futurs, au vu des différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre possibles et des nouvelles modélisations climatiques publiées par Météo-France. 

Évolution du climat hivernal à Paris depuis 100 ans

Des températures moyennes à la hausse

On constate sans surprise une évolution moyenne à la hausse. L’hiver 2019/2020 a été le plus chaud jamais enregistré ! Il a battu un record de douceur, avec 7,9 °C de température moyenne, soit 2,6 °C de plus que la normale 1981-2010.

Les trois autres hivers les plus doux sont 1977, 2007 et 2016 avec 7,7 °C. 

Le graphe 1 montre l’évolution hiver par hiver des températures moyennes à la station de Paris-Montsouris entre 1921 et 2020, sous forme d’écart par rapport à la moyenne trentenaire 1991-2020.  Comme pour les graphes qui suivent, l’hiver d’ une année N désigne le mois de décembre de l’année N-1, et les mois de janvier et février de l’année N.

On note en effet une tendance récente au réchauffement des températures : les hivers 2014 à 2020 ont tous connu une température moyenne au-dessus de la normale 1981-2010.

Températures moyennes (hiver) 1931-1960 1961-1990 1991-2020
Moyenne (°C) 4,0 4,8 5,7

L’hiver reste la saison pour laquelle la variabilité interannuelle des températures est la plus forte. Cela signifie qu’il y a en moyenne plus d’écarts entre les hivers doux et les hivers froids, qu’entre les printemps doux et les printemps froids par exemple.

Des vagues de froid moins nombreuses et moins sévères

Paris a connu des épisodes de très grands froids dans le passé

Parmi les hivers froids les plus notables, l’hiver 1963 détient la valeur la plus basse depuis un siècle avec une température moyenne négative (-0,1 °C). La vidéo ci-dessous montre des images de la Seine gelée à Paris et en banlieue. 

Les plus anciens se souviendront également certainement de ces trois hivers rigoureux consécutifs entre 1940 et 1942 pendant l’occupation.

En 1954, on pouvait même traverser le canal Saint-Martin à pied !

Les trois vagues de froid les plus sévères ont eu lieu en février 1956, janvier-février 1963 et janvier 1985. Celles de 1956 et 1963 ont aussi été les plus longues (21 jours). Celle de 1985 a vu la plus basse température moyenne quotidienne (la maximale n’a pas dépassé -10,0 °C à Montsouris le 16 janvier).

Les vagues de froid sont devenues moins fréquentes et moins intenses dans la période récente

En effet, une vague de froid emblématique de la période 1980-2000, c’était :

  • 15 jours du 5 au 19 janvier 1985, dont 11 jours sans dégel à Montsouris ;
  • une température maximale exceptionnellement basse de -10,0 °C à Montsouris le 16 janvier, et une minimale de -13,9 °C le lendemain ;
  • une autre vague de froid plus courte en février le même hiver et d’autres longues vagues de froid en 1987 et 1991 ;
  • 5 jours avec température minimale au-dessous de -10 °C.

Alors qu’une vague de froid emblématique des années 2000-2020, c’était : 

  • 12 jours du 1er au 12 février 2012, dont 7 jours sans dégel à Montsouris ;
  • une température minimale de -8,5 °C à Montsouris le 3 février ;
  • 9 jours avec température minimale au-dessous de -5 °C ;
  • il y a eu sur ces 20 ans seulement une vague de froid plus longue (15 jours de fin décembre 2008 à début janvier 2009), mais moins sévère.

Février 2012 est donc un épisode de froid notable de 12 jours, mais la température moyenne quotidienne n’est pas descendue au-dessous de -4,8 °C.

Cela est confirmé par le graphe ci-dessous, où chaque bulle correspond à une vague de froid à Paris sur la période 1947-2020. On remarque que sur les 51 épisodes de vagues de froid identifiés 45 ont eu lieu entre 1947 et 2000, et seulement 6 entre 2001 et 2020.

La durée de chaque vague de froid peut être lue en abscisse, et son intensité maximale (température moyenne de la journée la plus froide) en ordonnée. Enfin, le diamètre de chaque bulle est proportionnel à la sévérité de la vague de froid correspondante, c’est-à-dire à la somme, sur l’ensemble des jours composant la vague de froid, des écarts négatifs à un seuil de température défini.

Baisse du nombre de jours de gel sous abri

Ici, sont décomptés les jours où la température minimale relevée sous abri est inférieure ou égale à 0 °C.  

Le gel sous abri est différent du gel «au sol».  Il arrive que la température du sol soit négative, ce qui forme parfois une gelée blanche, alors que la température sous abri est positive. Inversement, en début de période froide, l’inertie thermique du sol peut faire qu’on reste à température positive en surface, alors que la température de l’air sous abri est faiblement négative.

Le graphe 3 indique l’évolution du nombre de jours de gel sous abri par hiver depuis un siècle (les gelées d’automne et de printemps ne sont pas prises en compte).

Là aussi la tendance n’est pas linéaire, ce nombre de gelées à Montsouris restant très variable d’une année sur l’autre. Cependant, les hivers avec plus de 30 jours de gel, relativement fréquents jusque dans les années 1960, deviennent plus épisodiques par la suite. Et au XXIe siècle, ce seuil n’a été atteint qu’une seule fois (l’hiver 2010) en vingt ans !

De plus, six des sept hivers entre 2014 et 2020 ont connu moins de 15 jours de gel sous abri.

Nombre de jours de gel

1931-1960

1961-1990

1991-2020

Moyenne

32,3

23,3

17,9

 

Baisse du nombre de jours sans dégel

Ici, sont décomptés les jours où la température maximale relevée sous abri est inférieure ou égale à 0 °C. Les jours sans dégel sont plus rares que les jours de gel, puisque le gel se maintient toute la journée. 

  • Le graphe 4 montre que cet indicateur est particulièrement irrégulier d’une année sur l’autre. Ainsi, dans les années 1940 et 1960, certains hivers ont connu plus de 20 jours sans dégel, alors que dans les années 1950, il y a eu deux hivers sans aucune occurrence (1952 et 1959).
  • Cependant, en moyenne c’est bien plutôt une baisse de cet indicateur qui est observée.
  • Ainsi tous les hivers entre 2001 et 2020 ont vu moins de 10 jours sans dégel, et seuls quatre d’entre eux ont connu plus de jours sans dégel que la moyenne 1981-2010, représentée par la ligne horizontale. Il s’agit des hivers 2003 avec 6 jours sans dégel, 2010 avec 9 jours, 2012 avec 7 jours et 2013 avec 4 jours. De plus, quatre des sept hivers entre 2014 et 2020 n’ont connu aucune journée sans dégel.

Nombre de jours sans dégel

1931-1960

1961-1990

1991-2020

Moyenne

7,6

5,4

2,3

Pas de tendance particulière observée quant aux précipitations

Le graphe 5 représente les rapports à la normale 1991-2020 des cumuls hivernaux de précipitations à la station de Paris-Montsouris depuis un siècle. Cette normale hivernale est proche de 150 mm. Le graphe ne permet pas de détecter de tendance particulière, ce qui est confirmé par le tableau qui lui fait suite. La variabilité interne naturelle du système climatique est la cause des séries d’hivers pluvieux ou secs consécutifs.

L’hiver le plus sec depuis le début du siècle est l’hiver 2017, particulièrement anticyclonique sur la région, avec 91,1 mm. Parmi les sept hivers plus pluvieux que la normale, peu ont connu de forts excédents, mais l’hiver 2018 est remarquable avec 253,2 mm. C’est seulement la troisième fois en cent ans que le cumul de 250 mm est dépassé, après 1936 (283,0 mm) et 1941 (275,4 mm).

Cumuls de précipitations

1931-1960

1961-1990

1991-2020

Moyenne (mm)

152,7

155,9

148,9

Sur les vingt hivers entre 2001 et 2020, treize ont été plus secs que la normale, mais aucun n’a connu de déficit supérieur à 50 % comme ce fut parfois le cas au siècle précédent, les exemples les plus récents étant les hivers 1976 (avec seulement 50,4 mm en trois mois) et 1992 (60,5 mm).

Des hivers peu neigeux plus fréquents dans les années récentes

Sont décomptés ici les jours où de la neige a été observée à la station de Montsouris, qu’elle ait déposé une couche au sol ou pas. Les séries d’observation de neige au sol ou de hauteurs de neige sont hélas trop incomplètes pour établir des statistiques fiables. Les neiges tombées en automne ou au printemps ne sont pas prises en compte.

Le graphe 6 indique une forte variabilité interannuelle de cet indicateur. Parmi les hivers récents, l’hiver 2010 est notable, avec 21 jours d’occurrence de neige. Le seuil des 20 jours a été atteint seulement 10 fois en un siècle, et ne l’avait plus été depuis l’hiver 1979. Cependant, les hivers peu neigeux deviennent plus fréquents sur les années récentes. Quelques hivers sans aucune neige observée ont même fait leur apparition depuis la fin des années 1980.

Nb de jours avec neige

1931-1960

1961-1990

1991-2020

Moyenne

13,0

11,6

7,1

Durée d’ensoleillement

Un changement de capteur de durée d’insolation ayant été réalisé dans le réseau de Météo-France à la fin des années 1980, les données antérieures à 1991 ne sont pas directement comparables avec les données à partir de cette date. On ne dispose donc que d’un historique de trente hivers de mesures comparables. Ceci est trop court pour dégager une éventuelle tendance.

Le graphe 7, qui représente les rapports à la moyenne 1991-2020, permet cependant d’observer qu’entre 2012 et 2020, six hivers ont connu un excédent d’ensoleillement de l’ordre de 20 % ou plus. L’hiver 2017 fut le plus ensoleillé d’entre eux, toutefois assez loin du record de l’hiver 2008.

Peut-on dresser le portrait des futurs hivers parisiens ?

À l’heure actuelle, certaines études permettent de donner un aperçu de l’évolution des températures et des précipitations hivernales à Paris. De nouvelles données publiées par Météo-France et issues du jeu de données Drias 2020*, disponible sur le site internet DRIAS,  permettent de simuler l’évolution du climat, selon différents scénarios d’évolution des émissions de gaz à effet de serre.

Les résultats de ces projections climatiques restent néanmoins incertains pour trois raisons :

  • l’incertitude liée à la variabilité interne du climat** ;
  • l’incertitude liée à la modélisation*** : les processus physiques étant représentés de façon imparfaite dans les modèles, les résultats peuvent être assez différents d’un modèle à l’autre pour un même scénario d’émissions de gaz à effet de serre ;
  • l’incertitude liée au scénario d’émissions de gaz à effet de serre choisi.

Sur ce troisième point et afin de tenir compte de l’incertitude liée au scénario d’émissions de gaz à effet de serre, on présentera les résultats selon trois des scénarios retenus dans le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) :

  • un scénario ambitieux qui correspond à une baisse significative des émissions dès la première moitié du siècle (le RCP 2.6) ;
  • un scénario médian, qui correspond à des émissions modérées (le RCP 4.5) ;
  • un scénario sans politique climatique, dans lequel les émissions continuent à augmenter au rythme actuel durant la plus grande partie du siècle (RCP 8.5).

Hausse des températures moyennes hivernales

Températures moyennes

17e centile

Médiane de l’ensemble des modèles

83e centile

Période de référence : 1976-2005

 

5,1 °C

 

Évolution pour 2021-2050

RCP 2.6 (émissions maitrisées)

+0,8 °C

+1,0 °C

+1,4 °C

RCP 4.5 (émissions modérées)

+0,9 °C

+1,0 °C

+1,4 °C

RCP 8.5 (émissions non réduites)

+1,0 °C

+1,3 °C

+1,8 °C

Évolution pour 2071-2100

RCP 2.6 (émissions maitrisées)

+0,6 °C

+1,1 °C

+1,2 °C

RCP 4.5 (émissions modérées)

+1,8 °C

+2,2 °C

+2,5 °C

RCP 8.5 (émissions non réduites)

+3,2 °C

+3,7 °C

+4,2 °C

Source : Drias 2020, données Météo-France, Cerfacs, IPSL. Les évolutions s’entendent toujours ici par rapport à la période de référence 1976-2005.

Ici, pour un scénario médian (émissions de gaz à effet de serre modérées), les deux tiers des modèles simulent une hausse des températures moyennes hivernales à Paris-Montsouris pour 2021-2050 par rapport à 1976-2005 comprise entre 0,9 et 1,4 °C, la hausse médiane de l’ensemble des modèles selon ce scénario étant de 1,0 °C.

Selon ce même scénario médian, les deux tiers des modèles simulent une hausse des températures moyennes hivernales à Paris-Montsouris pour 2071-2100 par rapport à 1976-2005 comprise entre 1,8 °C et 2,5 °C, la hausse médiane de l’ensemble des modèles selon ce scénario étant de 2,2 °C.

" Tous les scénarios envisagent donc une hausse des températures hivernales à Paris au cours du XXIe siècle. À l’horizon proche 2021-2050, cette hausse serait grossièrement de l’ordre de 1 à 1,5 °C quelque soit le scénario choisi ! "

Cependant, comme le montre ce tableau, à l’horizon lointain 2071-2100, l’influence du scénario d’émissions de gaz à effet de serre est déterminante. 

" Dans un scénario ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les températures se stabiliseraient par rapport à 2021-2050, en revanche, dans un scénario sans réduction des émissions, la hausse moyenne par rapport à la période de référence atteindrait environ 3 à 4 °C, voire plus. "

Faible évolution des précipitations

Concernant les précipitations, l’évolution simulée des cumuls de précipitations hivernales à Paris est beaucoup moins marquée que celle des températures. Quel que soit le scénario considéré, les modèles voient peu d’évolution à l’horizon 2021-2050 par rapport à la période de référence. Pour la fin de siècle, si dans un scénario ambitieux d’émissions maîtrisées, on ne relève pas d’évolution, une majorité de modèles simule plutôt une légère hausse des cumuls hivernaux moyens de pluie dans les deux autres scénarios.

Cumuls de précipitations

17e centile

Médiane de l’ensemble des modèles

83e centile

Période de référence : 1976-2005

 

142,9 mm

 

Evolution pour 2021-2050

RCP 2.6 (émissions maitrisées)

-5,9 mm

+0,4 mm

+7,0 mm

RCP 4.5 (émissions modérées)

-10,8 mm

-0,6 mm

+6,8 mm

RCP 8.5 (émissions non réduites)

-7,2 mm

-2,6 mm

+3,8 mm

Evolution pour 2071-2100

RCP 2.6 (émissions maitrisées)

-10,7 mm

+0,5 mm

+9,4 mm

RCP 4.5 (émissions modérées)

-3,9 mm

+5,3 mm

+15,4 mm

RCP 8.5 (émissions non réduites)

-2,9 mm

+7,4 mm

+21,5 mm

Source : Drias 2020, données Météo-France, Cerfacs, IPSL. Les évolutions s’entendent toujours ici par rapport à la période de référence 1976-2005.

Raréfaction des autres phénomènes hivernaux

Il est très difficile de dresser un portrait type des futurs hivers parisiens. Les données analysées précédemment permettent de dire qu’il est très probable que les températures moyennes continuent d’augmenter, plus ou moins selon les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre choisis, et que les précipitations stagnent ou augmentent légèrement en hiver.

Il est aussi très probable que les phénomènes hivernaux (neige, gelées, grands froids) continueront de se raréfier. Néanmoins, même si la probabilité de ces événements est plus faible, elle n’est pas nulle. 

Les vagues de froid vont continuer dans les prochaines décennies à devenir en moyenne moins nombreuses et moins intenses, et nous risquons par conséquent d’y être moins préparés. Cependant, elles ne disparaîtront pas complètement du climat parisien, et des événements relativement intenses resteront possibles. 

* Ce jeu de données contient des projections climatiques issues d’un ensemble de modèles régionaux de climat de l’expérience Euro-Cordex, projetées sur une grille de 8 km de résolution. On a fait ici la moyenne des résultats des deux points de grille les plus proches de Montsouris.

** Il n'est pas tenu compte ici de l’incertitude liée à la variabilité interne du climat, qui reste difficile à prévoir. L’ordre de grandeur de cette dernière incertitude devient inférieur à celui des deux autres lorsqu’on avance dans les échéances.

*** Pour tenir compte de l’incertitude liée à la modélisation, on présentera pour chaque scénario la valeur médiane de l’ensemble des modèles disponibles dans le jeu de données utilisées, ainsi que les 17e et 83e centiles. Cela signifie que deux modèles sur trois fournissent des valeurs comprises entre ces centiles.