Changement climatique Le réchauffement atteint déjà plus de 1 °C  en 2020, dont la quasi-totalité est la conséquence des activités humaines.

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Aurélien Ribes : “ Définir une vision plus cohérente et précise du changement climatique ”

25/01/2021

En ce début de XXIe siècle, le réchauffement s'accroit et les observations deviennent de plus en plus informatives sur l'amplitude du changement climatique passé mais également futur. Que nous apprennent 170 d'observations climatiques sur le changement climatique passé, présent et futur ?

Une étude publiée dans Science Advances, calcule  le réchauffement climatique attendu au XXIe siècle en combinant des résultats issus de modèles numériques et les observations réalisées depuis 1850 et réévalue le changement climatique passé et présent, ainsi que la part de ce réchauffement attribuable aux activités humaines. Aurélien Ribes, chercheur Météo-France au CNRM, le Centre national de recherches météorologiques, a dirigé cette étude.

Qu'est-ce qui a poussé à combiner des résultats issus de modèles numériques et les observations réalisées depuis 1850 ?

" On sait depuis longtemps que les différents modèles numériques utilisés dans le monde montrent une certaine dispersion en termes de réchauffement futur. Par exemple, la nouvelle génération de modèles de climat indique un réchauffement planétaire entre +3,5 °C et +7,3 °C en 2100 par rapport à 1850-1900 dans un scénario de fortes émissions – un intervalle relativement étendu. Il y a aussi des différences en termes de réchauffement passé. L’idée a donc émergé de rechercher, parmi les trajectoires de réchauffement simulées, lesquelles étaient les plus compatibles avec les observations disponibles. "

En quoi peut-on dire que cette nouvelle méthodologie est une première mondiale ? Quelle est la plus-value ?

" La méthode statistique utilisée pour combiner les deux sources d’informations est nouvelle : elle n’avait jamais été utilisée pour réaliser ce type de calcul. Son intérêt principal est qu'elle fournit une vision cohérente et plus précise des changements pour le passé, le présent et le futur, en faisant la synthèse des deux principales sources d’information disponibles (simulations et observations). "
 

Quelles sont les différences concrètes dans les projections climatiques via cette nouvelle méthode ? Y a-t-il eu des surprises ?

" Il y a eu plusieurs surprises ! La première est que les observations du passé sont finalement assez discriminantes. Leur prise en compte réduit l’incertitude d’environ 40 %, et même de 60 % à court terme (pour les 20 prochaines années). Par exemple, nous estimons le réchauffement en 2100 pour un scénario de fortes émissions entre +3,9 °C et +6,1 °C par rapport à la période 1850-1900. Nous ne nous attendions pas à réduire autant la fourchette d’incertitudes. Le fait d’exclure les valeurs les plus hautes (i.e., les modèles qui “ chauffent le plus ”) est plutôt une confirmation par rapport à d’autres études précédentes. En revanche, nos estimations sont plutôt légèrement supérieures à celles du précédent rapport du GIEC (AR5), et c’est une deuxième surprise. Pour être plus précis, on ne peut pas vraiment parler de contradiction avec l'AR5, mais la fourchette que nous retenons est un peu plus resserrée, et exclut les valeurs les plus basses retenues par l'AR5. Nous trouvons que la hausse de température devrait atteindre +3 °C (+/-0,7 °C) en 2100 par rapport à 1850-1900 dans un scénario d’émissions faibles à modérées (SSP2-4.5) ; c’est beaucoup. "

" Nous trouvons que la hausse de température devrait atteindre +3 °C (+/-0,7 °C) en 2100 par rapport à 1850-1900 dans un scénario d’émissions faibles à modérées (SSP2-4.5) ; c’est beaucoup. "

Y a-t-il également des enseignements sur le passé ?

" Oui. Nous trouvons que le réchauffement atteint déjà +1,22 °C (+/- 0,15 °C) en 2020, dont la quasi-totalité (+1,15 °C +/-0,15 °C) est la conséquence des activités humaines. Un résultat moins connu est que le réchauffement induit par les Gaz à effet de serre (GES) déjà émis s’élève à +1,54 °C (+/- 0,33 °C), mais a été en partie masqué par d’autres activités humaines (influence des  particules atmosphériques, dont l’évolution est responsable d’un refroidissement : -0,39 °C +/- 0,28 °C). "

Quelle a été la réaction de la communauté scientifique ? Allons-nous vers un nouveau " standard " de calcul ?

" Il est encore trop tôt pour le dire. Le prochain rapport du Giec attendu en 2021, qui évaluera cette étude ainsi qu’un certain nombre d’autres travaux récents, donnera une première indication. De mon point de vue, cependant, il deviendra de plus en plus difficile, au fur et à mesure que le réchauffement observé s'accroît, d’ignorer l’information apportée par les observations. "