Les incertitudes dans les scénarios de changement climatique
28/02/2020Les scientifiques n’ont pas une approche unique du changement climatique. Ils utilisent plusieurs modèles de simulation du climat, envisagent différents scénarios socioéconomiques d’évolution de notre planète, et tiennent aussi compte de la variabilité propre du climat qui ne peut être précisément anticipée. Les scénarios socioéconomiques, les modèles et le climat lui-même sont les trois causes d’incertitudes de la simulation climatique.
L’incertitude des scénarios utilisés
Pour imaginer le climat du XXIe siècle, il faut se représenter les possibilités d’évolution de l’humanité. Par exemple, va-t-elle ou non continuer à émettre des gaz à effet de serre en grandes quantités ? La réponse à cette question repose, entre autres, sur les changements démographiques à l’échelle mondiale, les choix énergétiques futurs, le développement économique, l’application de politiques environnementales, etc.
Au fur et à mesure que l’on s’éloigne dans le temps, l’incertitude associée aux seuls scénarios socioéconomiques grandit. Elle n’est pas très importante au cours de la première moitié de ce siècle mais devient prépondérante à la fin.
Les incertitudes structurelles des modèles numériques
Les simulations climatiques sont réalisées grâce à des modèles numériques, qui s’appuient sur les lois de la physique. En complément, certains phénomènes de petite échelle dans l’espace et dans le temps (comme les nuages orageux), qui ne peuvent pas être représentés explicitement dans les modèles de grande échelle, sont décrits par des équations que l’on appelle paramétrisations. Celles-ci sont ajustées de façon à ce que les effets des phénomènes soient conformes aux observations. Les modèles sont donc des ensembles complexes d’équations mathématiques, dont la résolution nécessite souvent l’utilisation de puissants ordinateurs. Les modèles se sont enrichis au fil du temps afin de représenter au plus près la complexité du système climatique. Ils comportent aujourd’hui des variables comme :
- la température de l’atmosphère, l’eau qu’elle contient (vapeur, liquide et glace), les vents ;
- la température et la salinité de l’océan, ses courants ;
- l’état des sols recouvrant les continents (température, humidité, contenu en carbone, etc.), la végétation ou la neige qui les recouvre, les lacs, le débit des fleuves ;
- la température, la salinité, l’étendue, l’épaisseur et la vitesse de déplacement de la banquise.
Ces variables doivent être calculées en tout point d’une grille qui découpe l’atmosphère, l’océan et la banquise en volumes élémentaires délimités par un maillage horizontal et des niveaux verticaux. Des dizaines de millions de valeurs des variables doivent ainsi être calculées à chaque pas de temps de calcul (toutes les vingt à trente minutes). La description des phénomènes de petite échelle et les paramètres correspondants sont les principales sources d’incertitude de la modélisation numérique du climat.
Les incertitudes sur la variabilité interne du climat
Certains phénomènes climatiques tels qu’El Niño ou la NAO (North Atlantic Oscillation) se produisent de façon irrégulière. Ils participent aux grandes oscillations observées à l’échelle décennale. Le climat peut ainsi être plutôt chaud ou plutôt froid pendant dix années ou plus. Dans une simulation sur 100 ans, les modèles vont bien représenter ces grandes oscillations mais seront incapables de prévoir exactement leurs dates de début et de fin. Cette incertitude due à la variabilité intrinsèque du climat est imprévisible au-delà des dix prochaines années (la prévisibilité décennale fait actuellement l’objet de recherches).
Reprenant l’exemple de l’évolution de la température moyenne globale au XXIe siècle, l’incertitude associée à la variabilité interne du climat joue un rôle important à l’échelle régionale pour les toutes prochaines décennies. En revanche, au-delà, les incertitudes liées aux scénarios socioéconomiques, d’une part, et aux incertitudes structurelles des modèles, d’autre part, reprennent le dessus.