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Qu’est-ce qu’un orage en V ?
10/04/2025L’orage en V, ou plus précisément le système orageux en V, est ainsi dénommé en raison de sa forme caractéristique reconnaissable sur les images satellites, dans les canaux infrarouges en forme de V, voire parfois en forme de U ou d’anneau. La pointe du “V” est située à l’endroit où les orages se régénèrent, c’est ici qu’on y trouve les phénomènes météorologiques les plus dangereux, notamment des pluies diluviennes.
Comment se forme un orage en V ?
Cette forme caractéristique en V est créée par des sommets nuageux plus chauds (en jaune et orange sur la Figure 1) au centre du V que le long des branches (en rouge et noir sur la Figure 1). Les scientifiques le nomment système convectif multicellulaire en panache à régénération rétrograde. Il est qualifié de “méso-échelle” lorsque sa dimension horizontale dépasse au moins 100 km dans une direction.

Figure 1. Température de brillance (°C) du canal infrarouge à 10,5 μm du satellite Météosat 12 (MTG-I1) dans la région de Valence le 29 octobre 2024 à 17 h 20 UTC. Source : Adrien Mauss, Centre de météorologie spatiale, Météo-France.
Il s’agit d’un cas particulier d’orages multicellulaires (plusieurs cellules orageuses qui s’organisent en ligne), dans lequel chaque nouvelle cellule se forme à la pointe du “V”. Tandis que les cellules orageuses se propagent dans la direction du vent à environ 3000 m d’altitude, l’enclume des nuages constituant ces cellules s’étale dans la direction du vent près de la tropopause (couche basse de l'atmosphère située autour de 10 000 m d’altitude et qui bloque le plus souvent l'extension verticale des nuages d’orages à son niveau) pour former un panache de grande extension horizontale.

© Infoclimat / bru
Les orages en V sont-ils fréquents ?
Comme tous les orages, ceux-ci sont favorisés par une alimentation en air chaud et humide et la présence de relief favorisant la convergence et l’ascendance de cet air chaud et humide. Le phénomène reste donc assez rare, mais sa durée peut être très longue du fait de la régénération des cellules orageuses, d’une à parfois une dizaine d’heures.
Les orages en V sont-ils les plus dangereux ?
Chaque type d’orage présente des risques propres et plus ou moins prononcés. Activité électrique, fortes rafales de vent, phénomènes tourbillonnaires (tornades), pluies ou chutes de grêle, il est difficile de hiérarchiser la dangerosité des orages.
En ce qui concerne les orages en V, les phénomènes les plus dangereux se concentrent près de la pointe du “V”. Les précipitations y prennent le caractère le plus intense couplé à une forte activité électrique. Si, par ailleurs, l’orage reste quasi stationnaire pendant plusieurs heures, les cumuls de pluie sous la pointe de l’orage peuvent atteindre des valeurs exceptionnelles.

Violent orage stationnaire dans le golfe de Fréjus le 4 septembre 2024. L'activité électrique fut démentielle durant plusieurs heures avec de bonne salves de foudre ramifiée © Infoclimat / Tristan06
Les zones méditerranéennes sont-elles plus touchées par ce phénomène ?
Le pourtour méditerranéen est particulièrement touché par ce phénomène par la présence du relief et d’une température de la mer élevée en été et automne, qui alimente en air chaud et humide le système orageux.
- Par exemple, on peut citer l’orage en V du 3 octobre 1988 à Nîmes, du 22 septembre 1992 à Vaison-la-Romaine dans le Vaucluse, ou les inondations de l’Aude les 12 et 13 novembre 1999.
- Plus récemment, le Gard avait de nouveau été touché par un orage stationnaire en V le 14 septembre 2021 : il était tombé 260,0 millimètres en 3 heures (dont 138,0 millimètres en 1 heure et 20,5 millimètres en 5 minutes).
Toutefois, des orages en V peuvent toucher d’autres régions, en témoigne l’orage ayant touché le bassin versant de la Nivelle dans les Pyrénées-Atlantiques, le 4 mai 2007.

Puissant orage méditerranéen © Infoclimat / Tristan06
Quels sont les impacts d’un orage en V ?
Le risque principal de l’orage en V est lié à l’intensité des pluies sous la pointe du V. Il n’est pas rare d’observer des intensités horaires de 50 à 100 millimètres. Si l’orage fait du surplace pendant quelques heures, les cumuls de pluie atteignent rapidement des valeurs de plusieurs centaines de millimètres. Si le relief et d'éventuels cours d’eau viennent canaliser toutes ces précipitations, il en résulte des inondations rapides, aussi appelées crues éclair, particulièrement dévastatrices.
Comment prévoit-on ce type de phénomène orageux ?
Les prévisionnistes de Météo-France sont extrêmement vigilants quand les configurations atmosphériques prévues sont propices à la formation de ces orages en V. Ils surveillent la conjonction possible d'ingrédients les favorisant, notamment quand une alimentation focalisée et soutenue en air chaud et humide dans les basses couches de l'atmosphère rencontre des conditions lui permettant de se maintenir durablement sur la même zone. Les prévisionnistes ont une connaissance fine du territoire et de l'interaction entre le relief d'un secteur géographique donné et les conditions atmosphériques qui rendront possible ces systèmes orageux en V.
Quand l'orage se déclenche, l'analyse en continu des observations les plus récentes des paramètres météorologiques, ainsi que des derniers scénarios proposés par les modélisations numériques, permet aux prévisionnistes d'anticiper l'évolution du système dans les prochaines heures. Ils surveillent si le système orageux est en train de créer les conditions de son maintien et de son renforcement, par exemple si une poche d'air plus froid en surface est en train de se mettre en place, ce qui va permettre la génération de nouvelles cellules orageuses toujours au même endroit.
Exemple d’un orage en V
Le sud-est de l’Espagne a été frappé par un épisode méditerranéen exceptionnel fin octobre 2024. Le système orageux qui a dévasté la région a pris un caractère stationnaire. Des orages se sont régénérés continuellement au même endroit pendant plusieurs heures, engendrant de très fortes pluies et inondations et causant un très lourd bilan humain. Sur l’image de Météosat Troisième Génération du 29 octobre (à 16 heures UTC), on peut voir l’orage en V au moment où les intempéries se sont aggravées sur la Province de Valence.
Le modèle AROME avait bien modélisé la veille les cumuls de pluie qui ont été observés.

Avec le changement climatique, doit-on s'attendre à plus d’orages en V ?
L'évolution future des orages en V, et plus généralement des risques orageux sur l’Hexagone, est encore mal connue. S’ils ne seront pas forcément plus nombreux, on peut s’attendre, dans un climat plus chaud, à une intensification des pluies extrêmes sous orage : en effet, l’atmosphère peut contenir et transporter 7 % de vapeur d’eau en plus par degré supplémentaire.
Niveau recherche, quels travaux sont menés ?
De nombreux travaux de recherche sont menés à Météo-France, notamment au Centre national de recherches météorologiques (CNRM). D’abord, des travaux essaient de collecter et d’exploiter un plus grand nombre d’observations à la fois près de la surface, puis à l’intérieur et autour des nuages composant ces systèmes orageux.
Permettant de mieux documenter leur cycle de vie, en particulier leur caractère stationnaire, ces observations donnent la possibilité aux scientifiques d’évaluer la qualité, et donc ensuite d’améliorer les modèles numériques de prévision du temps. L’amélioration de ces modèles consiste à augmenter le réalisme des mouvements de l’air, des échanges d’énergie, des changements d’états de l’eau, de l’évolution des aérosols, à la fois dans l’atmosphère et au niveau de la surface terrestre.
Dans AROME, ces échanges près de la surface font actuellement l’objet de travaux pour simuler de façon plus réaliste les villes, le relief, la végétation, l’évolution de la température et la salinité de la mer ou la présence de vagues, entre autres. L’ensemble de ces travaux participent à l’amélioration de la prévision météorologique de ces systèmes orageux.
Pour étudier l’évolution future de ces phénomènes orageux dans un climat plus chaud, une nouvelle génération de modèles régionaux de climat à haute résolution de type AROME a été récemment développée. Contrairement aux modèles à résolution plus grossière, ils sont capables de représenter de manière réaliste les orages, et permettront prochainement d’apporter des réponses sur les potentiels changements des risques orageux sur la France.