Pierre Le Roy : "La vie à bord s'organise au rythme de la météo"
17/12/2019Navigateur et météorologue à Météo-France, Pierre Le Roy sera au départ de la Mini-Transat à La Rochelle. Le départ de la course prévu dimanche 22 septembre a été reporté en raison des conditions de vent et de mer soutenues dans le golfe de Gascogne.
Vous serez au départ de la Mini-Transat, une course au large en solitaire à travers l'Atlantique de la Rochelle à la Martinique en passant par les Canaries… Soit 4050 miles nautiques en solitaire, sur les plus petits bateaux de course au large, de seulement 6,50 m de long ! Quel est votre état d'esprit ?
Je commence à avoir des fourmis dans les jambes ! La Mini-Transat, c'est le gros événement que j'attendais. C'est mon objectif depuis 2015 ! J'ai acheté mon bateau en 2016 pour y participer. J'y consacre tout mon temps libre. Cela fait trois ans que je me prépare. A deux jours du départ, je suis juste impatient.
C'est un gros investissement… Comment vous est venu l'envie de vous lancer dans cette aventure ?
Je suis passionné de voile depuis petit ! J'ai toujours voulu faire de la course au large. Je suis aussi passionné de météo. J'en ai fait mon métier : je suis chef prévisionniste pour la région nord de la France à Météo-France. Je fais aussi de la prévision météo pour les événements sportifs.
Réunir mes deux univers est mon moteur, c'est aussi mon ambition professionnelle : je veux devenir routeur météo. Il s'agit d'un métier qui consiste à élaborer la stratégie de la course en analysant la situation météo. Il faut avoir une bonne connaissance de la course au large et de la météo pour décider du rythme à tenir sur la course, des phénomènes à surveiller…
Comment se profile la course ?
Le départ a été reporté en raison d'un front actif se profile dans le golfe de Gascogne. Passé ce premier front, on doit descendre les côtes du Portugal dans un contexte anticyclonique… La situation météo est intéressante !
La première étape de la course nous mènera aux Canaries. La traversée devrait durer 8 à 10 jours. Nous resterons en escale aux Canaries environ un mois, en attendant la fin de la saison cyclonique. Ensuite, nous repartirons le 2 novembre des Canaries direction Le Marin en Martinique. La traversée devrait durer environ deux semaines. En tout, nous passons un peu plus de 3 semaines sur l'eau, en solo...
Quelle est la particularité de cette course ?
La Mini-Transat est une course particulière : c'est la dernière grande course au large en solitaire. Nous sommes coupés du monde, sans connexion avec la terre. On se débrouille vraiment en solo… Si je m'éloigne des autres concurrents, je peux passer cinq jours sans parler à personne à bord du bateau !
Cette solitude ne vous inquiète pas ?
Non ! Le moral, c'est plutôt un de mes points forts ! J'ai confiance en mon bateau. La seule chose qui m'inquiète, ce serait de percuter un objet en mer, et ça, c'est aléatoire.
Comment se passe la vie à bord ?
La vie à bord s'organise au rythme de la météo. Quand les conditions le permettent, je vais manger, dormir. On dort par sieste de 30 à 40 minutes... Pas plus, sinon c'est dangereux ! On doit vérifier que le bateau aille à la bonne vitesse, dans la bonne direction, qu'il ne rencontre pas d'obstacle… En cumulé, j'essaie de dormir environ 5-6 heures par 24 heures.
La météo est cruciale ! Votre expérience de prévisionniste doit être un gros point fort...
Oui, c'est clairement un atout ! La météo reste complexe à appréhender, et il y a toujours quelques subtilités… Les anticiper me permet de plus en plus de prendre les bonnes décisions, d'avoir les bons calculs stratégiques. C'est pour cela que je suis assez constant en classement. Sur cette course, je ferais tout pour faire un top 5 ou un podium…