Glen Bulot - L'Œil du climat
L’océan face au changement climatique
25/09/2025 Les océans et les mers sont en première ligne face au changement climatique. En France comme ailleurs, les effets du changement climatique sont visibles : réchauffement des mers et des océans, élévation du niveau de la mer, érosion littorale, multiplication des événements extrêmes. Ces transformations affectent les écosystèmes marins et menacent les populations, les territoires côtiers, les infrastructures et les activités qui en dépendent.
Quels sont les effets du changement climatique sur les mers et les océans ?
- Des océans de plus en plus acides
Les océans et les mers jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat, en absorbant une grande partie de la chaleur excédentaire et des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. Près d'un tiers du dioxyde de carbone (CO2) rejeté chaque année dans l'atmosphère par les activités humaines est absorbé par l'océan. Ce rôle de puits de carbone a une conséquence directe : il rend l’eau plus acide. Depuis la période préindustrielle (1850-1900), l'acidité des océans a augmenté de 30 %.
Ces transformations affectent en premier lieu les organismes ayant une structure calcaire. C’est le cas des coraux ou de certaines espèces de phytoplancton. Une eau plus acide rend la formation de ces structures plus difficile et menace la survie de ces espèces structurantes pour les écosystèmes marins. Les conséquences varient selon les régions du globe avec les eaux polaires et froides étant particulièrement vulnérables. Leur température plus basse permettant une absorption plus importante du CO2 et augmentant leur acidification.
Le changement de répartition géographique et d’abondance de populations de poissons, qui migrent vers des zones plus favorables à leur développement, perturbe les écosystèmes et les économies côtières avec notamment une diminution du potentiel de capture dans certaines régions comme les océans tropicaux.
- Des océans de plus en plus chauds
Depuis 1970, les océans ont capturé près de 90 % de la chaleur excédentaire générée par l'effet de serre et liée à la hausse des émissions gaz à effet de serre d’origine anthropique dans l’atmosphère. Sur la période 2015-2024, par rapport à la période de référence 1850-1900, la température des océans a augmenté d'environ 1,0 °C, avec des disparités régionales fortes. La mer Méditerranée se réchauffe deux fois plus rapidement que la moyenne globale.
L’augmentation de la température de l’océan modifie ses propriétés physiques et biogéochimiques. Notamment, la différence de réchauffement entre les couches superficielles et profondes de l’océan entraîne une stratification qui modifie les échanges de chaleur, d’humidité, de nutriments et la circulation océanique. Le réchauffement limite aussi les capacités d’absorption des gaz à effet de serre et provoque des épisodes de dégazage de gaz à effet de serre. L’augmentation de la température de l’océan contribue aussi à renforcer la fréquence et l’intensité des événements extrêmes : vagues de chaleur marines (événements de très forte température océanique) ou précipitations diluviennes. Le nombre annuel de vagues de chaleur marines a ainsi doublé depuis les années 1980.
- Le niveau de la mer monte
Le réchauffement de la planète génère une élévation du niveau des mers et des océans. Depuis 1900, le niveau moyen des océans a augmenté de 20 cm. Le niveau de la mer augmente actuellement plus de deux fois plus vite. Sur la seule période 1993-2020, la hausse moyenne est estimée à environ 10 cm.
En France hexagonale et en Corse, le niveau marin a augmenté de 3 mm/an sur la période 1993-2019 en Méditerranée, de 1,4 à 2,5 mm/an en Atlantique et entre 1,6 et 2,6 mm/an en Manche-Mer du Nord.
Outre-mer, l'augmentation du niveau de la mer est de l'ordre de 3 mm/an au niveau des Antilles, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Elle varie de 4 à 5 mm/an à Saint-Pierre-et-Miquelon, autour de 6 mm/an à La Réunion, entre 3 à 5 mm/an à Mayotte et de 0 et 4 mm/an pour les TAAF (Source : Datalab, Ministère de la Transition écologique et du développement durable).
L'élévation du niveau des mers et des océans menace directement les littoraux, en exposant les côtes à la submersion marine et à l’érosion côtière.
Quels sont les impacts en France ?
- L’érosion du littoral
D'après l'indicateur national de l'érosion côtière (source : Cerema), près d'un quart des côtes françaises , soit près de 900 km, est concerné par l'érosion du littoral.
Environ 30 km² de terres ont disparu en France à la suite du recul du trait de côte en 1960 et 2010. Les zones en fort recul en France hexagonale et en Corse se concentrent dans les baies des Hauts-de-France, dans les havres du Cotentin, en baie d'Audierne, sur la côte ouest d'Oléron, sur la côte sauvage et l'estuaire de Gironde, dans le nord du Médoc, autour du bassin d'Arcachon et en Camargue. Dans ces territoires, de multiples biens et infrastructures sont exposés, ainsi que les écosystèmes associés. Cinq départements (Seine-Maritime, Charente-Maritime, Gironde, Hérault et Gard) possèdent au moins 50 % de leurs côtes en recul, alors que les quatre départements bretons, la Loire-Atlantique, la Corse-du-Sud, la Martinique et Mayotte ont moins de 10 % de valeurs en recul.
- Inondation par submersion marine
L’augmentation du niveau des mers augmente le risque de submersions induites par les surcôtes provoquées par les tempêtes. Ainsi, même dans le cas où la fréquence et l’intensité des tempêtes touchant les côtes françaises n’augmentait pas au cours du 21e siècle, les risques de submersion sont en hausse car le niveau moyen de la mer est plus élevé, ce qui rend plus “facile” l’atteinte de valeurs critiques de surcôtes entrainant des phénomènes de submersion.
L'élévation du niveau des mers et des océans menace directement les territoires littoraux (submersion marine, érosion côtière), très souvent densément peuplés ou abritant des installations stratégiques (production d'énergie, ports, etc.).
> En France, 1,5 millions d’habitants et 1,4 millions de logements menacés en 2025.
- Des vagues de chaleur marines plus fréquentes et plus intenses
Sous l’effet du réchauffement de l’océan à échelle planétaire, les épisodes de vagues de chaleur marines, périodes anormalement chaudes qui touchent la surface et les couches plus profondes de l’océan, sont devenues plus fréquentes et plus intenses.
En Europe, la Méditerranée est particulièrement concernée. Depuis les années 1980, le nombre d’événements y a été multiplié par 4 et leur extension spatiale s’est considérablement accrue : ces épisodes autrefois localisés peuvent désormais couvrir l’ensemble du bassin pour des périodes de plusieurs mois comme ce fut le cas en 2022, 2023 et plus récemment lors du mois de juin 2025. Les écarts de températures dépassent désormais localement les +5°C par rapport aux normales saisonnières.
Ces épisodes de températures extrêmes et prolongées ont des répercussions sur l’atmosphère. Même si la mer Méditerranée ne pilote pas la mise en place de conditions atmosphériques favorables à des événements de fortes précipitations, la Méditerranée renforce l’intensité des épisodes méditerranéens en favorisant une évaporation accrue et une instabilité thermique dans les basses couches de l’atmosphère. En période de vague de chaleur atmosphérique, une mer chaude limite aussi le refroidissement nocturne.
Les impacts écologiques sont déjà visibles. Ces périodes extrêmes exercent une pression sur les écosystèmes marins et affectent la diversité, l’abondance et la répartition des espèces (à niveau de développement égal, les sardines sont aujourd’hui trois fois plus légères que dans les années 1980).
Des épisodes de chaleur marine extrême provoquent des mortalités massives de gorgones endémiques des fonds rocheux méditerranéens, incapables de survivre à des températures trop élevées pendant plusieurs semaines. Par ailleurs, le phytoplancton, base de la chaîne alimentaire marine, tend à migrer vers les pôles à la recherche d’eaux plus fraîches, entraînant des déséquilibres dans les écosystèmes, notamment dans l’Atlantique Nord.
Que fait Météo-France pour surveiller les canicules marines ?
Des bulletins sur les vagues de chaleur marines
Météo-France, en sa qualité d’acteur majeur de l’océanographie opérationnelle en France, est un associé historique de Mercator Ocean International. Découvrez le bulletin sur les vagues de chaleur marines, élaboré chaque semaine par les océanographes de Mercator Océan International.
Recherche : améliorer la détection et la modélisation des canicules marines
Les équipes de recherche de Météo-France (CNRM) cherchent à améliorer, à l’aide de techniques statistiques, la détection et la prévision des canicules marines et à mieux comprendre leur évolution dans le climat futur. Le développement d'outils d'observations par satellites est également étudié, via des projets avec EUMETSAT.
Changement climatique : quels sont les effets attendus sur les océans à l’horizon 2050 et 2100 ?
- Selon le rapport spécial du GIEC Océans et Cryosphère (2019), l'océan a absorbé plus de 90 % de la chaleur excédentaire du système climatique. D'ici à 2100, il absorbera 2 à 4 fois plus de chaleur que pendant la période allant de 1970 à l'heure actuelle si le réchauffement planétaire est limité à 2 °C, et jusqu'à 5 à 7 fois plus, si les émissions sont plus élevées.
- Dans le futur, les vagues de chaleur marines seront 20 fois plus fréquentes avec un réchauffement de 2 °C et 50 fois plus fréquentes si les émissions continuent d'augmenter fortement.
- Les événements extrêmes du niveau de la mer, qui se produisent maintenant rarement (typiquement une fois par siècle) pendant les fortes marées et les fortes tempêtes, deviendront plus fréquents (typiquement une fois par an).
- Le niveau de la mer continuera d'augmenter pendant des siècles. Cette hausse pourrait atteindre 30 à 60 cm environ d'ici 2100. Il pourrait atteindre 60 à 110 cm si ces émissions continuent d'augmenter fortement.
- En France, les infrastructures seraient submergées une ou plusieurs fois par siècle dans l’hypothèse d’une élévation de 1 mètre du niveau de la mer.
- Poursuite du recul du trait de côte, des risques plus élevés de submersion marine. Le recul du trait de côte se poursuit en France dans un climat plus chaud.
- À l’horizon 2050, 5 200 logements et 1 400 locaux d’activité pourraient être affectés par l'érosion côtière. À l’horizon 2100, le nombre de logements potentiellement atteints pourrait atteindre 450000. Les activités touristiques, les infrastructures de transports, routes et voies ferrées, pourraient être fortement impactées.