Hausse du niveau de la mer et changement climatique
25/02/2020Après une élévation stable durant plusieurs millénaires, la hausse du niveau de la mer s’est accélérée significativement au XXe siècle.
Hausse du niveau de la mer : mesures et incertitudes
Pour observer une tendance sur le long terme, des données régulières sur plusieurs décennies sont indispensables. Il existe une centaine de marégraphes dans le monde qui mesurent le niveau de la mer en continu depuis les années 1950. Plusieurs d’entre eux étaient déjà en activité au XIXe siècle, voire pour celui de Brest, dès la fin du XVIIe siècle.
Ces appareils mesurent le niveau de la mer en un point donné, en faisant abstraction de la houle ou des marées. Comme ils sont fixés au socle terrestre, ils prennent aussi en compte les mouvements de ce dernier. Il faut donc corriger ces résultats avec des données GPS très précises relevant les montées et descentes du terrain.
Autre inconvénient : les marégraphes ne réalisent qu’une mesure côtière. Les satellites embarquant des radars altimétriques permettent une vision bien plus globale, même s’ils ne fournissent pas de mesures près des côtes. Depuis 1993, ces satellites permettent de mesurer le niveau absolu de la mer… qui est loin d’être uniforme. La surface des océans présente en effet des bosses et des creux de plusieurs dizaines de centimètres d’amplitude.
En combinant ces différents moyens de mesure, le rapport spécial du Giec sur les océans et la cryosphère, paru en 2019, estime l’élévation du niveau moyen de la mer à environ 1,4 mm par an en moyenne entre 1901 et 1990, et à 3,6 mm par an entre 2006 et 2015.
Une hausse du niveau de la mer attribuée au changement climatique
Le niveau de la mer a toujours évolué, et parfois très rapidement : 130 m entre la dernière période glaciaire il y a environ 21 000 ans et le début de la période interglaciaire actuelle, soit environ 1 mètre par siècle. Cette évolution s’est ensuite ralentie il y a environ 6 000 ans et s’est stabilisée autour de seulement 5 cm par siècle en moyenne au cours des 2 à 3 derniers millénaires. De tels changements ne s’expliquent que par des variations naturelles. Or, depuis 1900, le niveau des mers s’est élevé d’environ 20 cm.
Peut-on attribuer cette accélération de la montée du niveau de la mer au changement climatique ?
Pour répondre à cette question, les chercheurs ont quantifié l’influence sur le niveau de la mer de plusieurs paramètres directement impactés par le changement climatique :
- la température de la mer : plus elle s’élève, plus l’eau se dilate. Température des océans et niveau de la mer sont liés ;
- la fonte des glaces terrestres : l’Antarctique, le Groenland et les glaciers de montagne stockent de grandes réserves d’eau sous forme de glace. Cette dernière fond de plus en plus avec l’élévation des températures à la surface du globe. Cette eau de fonte se déverse alors dans les océans.
Les scientifiques mesurent donc le réchauffement des océans et en déduisent sa contribution à la montée du niveau marin. Ils surveillent également, avec les satellites, l’évolution du volume et de la masse des glaces terrestres pour estimer la quantité d’eau de fonte déversée dans les mers. La somme de ces deux contributions permet de rendre compte de l’essentiel de l’élévation observée, notamment sur les deux dernières décennies. La montée du niveau marin est désormais bien comprise et il est même possible d’affirmer que l’influence des activités humaines sur l’élévation du niveau moyen de la mer est importante depuis les années 1970, via leurs effets sur ces deux contributions.
Une hausse du niveau de la mer plus forte au cours du XXIe siècle
Pour évaluer l’évolution du niveau de la mer au cours des prochaines décennies, les chercheurs utilisent des modèles qui simulent l’évolution future de ces différentes contributions sous l’effet du changement climatique. Ainsi, selon le rapport spécial du Giec sur les océans et la cryosphère, la hausse du niveau marin pour 2081-2100 (tous scénarios confondus) devrait être comprise entre 26 et 92 cm par rapport à 1986-2005.
Dans cette nouvelle estimation, la contribution des calottes de l'Antarctique, et dans une moindre mesure du Groenland, constitue la principale source d’incertitude et fait l’objet d’un projet de recherche coordonné par l’Institut de géophysique de l’environnement (Grenoble), auquel des chercheurs de Météo-France participent.
L’autre grand défi pour les chercheurs est d’estimer l’élévation du niveau de la mer au niveau régional à local. En effet, la hausse du niveau marin varie selon le lieu, et, au-delà des contributions liées au climat, il faut prendre en compte plusieurs phénomènes pour estimer au mieux son impact à la côte : effet des vagues et des marées, mouvements verticaux du socle rocheux, nature géologique du terrain et affaissement du sol lié au pompage d’eaux souterraines.
*Compilation de données et projections du niveau de la mer moyen global : données paléoclimatiques (en violet), données de marégraphes (en bleu, rouge et vert), données altimétriques (en bleu ciel) et estimations médianes et plages probables de projections obtenues à partir de modèles pour les scénarios RCP2.6 (en bleu) et RCP8.5 (rouge). Toutes les valeurs sont relatives aux valeurs préindustrielles et sont exprimées en mètres (d'après la figure AT2-figure2 du résumé technique du rapport du groupe I du Giec publié en 2013).