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Boris : intempéries exceptionnelles en Europe centrale

16/09/2024

Lié à la dépression Boris, un épisode pluvieux durable aux dimensions inédites finit de toucher une large partie de l’Europe centrale. 

Que s'est-il passé ?

Depuis jeudi 12 septembre, la dépression Boris a donné des cumuls de pluie considérables sur une large partie de l’Europe centrale. Ces cumuls parfois records sont aussi exceptionnels par leur extension géographique. L’Autriche, la République tchèque et une partie Sud-Ouest de la Pologne ont été particulièrement touchées. 

De très vastes zones ont enregistré des cumuls de plusieurs centaines de litres d’eau par mètre carré, parfois 400 litres par mètre carré en quelques jours. À titre d’exemple, à Saint-Pölten, en Basse Autriche, il est tombé 421 L/m² en 4 jours seulement, ce qui dépasse tout ce qui a été mesuré en n’importe quel mois entier depuis le début des mesures en 1894, et même plus élevé que le cumul de l’automne le plus pluvieux, tout cela en quatre jours. Des records de pluie en 72h ou en 96h sont également largement battus en République tchèque, parfois d’un facteur trois. En moyenne montagne, des hauteurs de neige dépassant largement le mètre ont été observées.

Ces très forts cumuls de pluie ont entraîné la crue de nombreuses rivières à grande échelle, causant des destructions majeures. 

Comment la dépression Boris s’est-elle formée ?

Boris s’est formé au sud des Alpes jeudi, vers le Golfe de Gênes. Elle est une des conséquences de la coulée d’air polaire remarquable pour la saison sur l’Europe de l’Ouest ; dans ces situations il est relativement classique d’observer la formation d’une dépression sous le vent des Alpes, dans le nord de l’Italie.

Parallèlement, une vaste goutte froide s’est détachée de la coulée d’air polaire initiale, en restant piégée ensuite dans les hautes pressions, tournant sur elle-même comme une toupie. Le couple goutte froide/dépression s’est ensuite déplacé en Europe centrale vendredi et est resté relativement stationnaire depuis. Ce système dépressionnaire s’accompagnait de deux fronts actifs, un front froid et un front chaud rejeté en altitude.

Comment l’expliquer ?

Boris est une dépression un peu particulière, dont les caractéristiques sont toutefois connues. Contrairement aux dépressions classiques qui se déplacent généralement d’ouest en est, ce type de dépressions se déplace du sud-ouest vers le nord-est, affectant des régions comme l’Italie du nord, la Suisse, l’Autriche, la Hongrie, l’Allemagne et parfois même la Pologne. Une telle configuration implique une forte alimentation humide méditerranéenne qui remonte vers l'Europe centrale avec du soulèvement. C’est-à-dire que l’air chaud et humide tend à s’élever au-dessus de l’air froid de basse couche ; ces processus créent généralement des précipitations intenses et durables. Cette configuration n’est pas la plus fréquente, mais elle est connue pour entraîner des pluies soutenues et durables, donc potentiellement problématiques. 

Pourquoi autant de pluie ?

Cette cyclogénèse sur la Méditerranée est intervenue dans un contexte de mer très chaude. La mer Méditerranée et la mer Noire contribuent à nourrir une masse d’air chaud et humide.

Les très importants contrastes de températures en Europe la semaine dernière, découlant de la descente d’air polaire, ont créé des conditions propices à la création de systèmes pluvieux actifs avec des différences de températures considérables à l’échelle de l’Europe. La Russie battait des records mensuels de chaleur par exemple, tandis que des records mensuels de températures maximales basse étaient battus en Autriche, sous la pluie. 

Dans ce genre de situation, des effets de "barrage" sur les versants nord du relief contribuent également à renforcer les cumuls de pluie, et de neige en montagne.

Enfin ce redoutable système a acquis une certaine stationnarité puisque la goutte froide d’altitude qui l’entretenait, restait bloquée sur l’Europe centrale, prise au piège par la présence de hautes pressions à la fois en France et à la fois en Russie…

Quelle est l'évolution prévue ?

Ce lundi, une nouvelle salve de pluie soutenue était attendue, toujours en retour d’est autour de la goutte froide. De la Bohème à la Bavière, on attendait plusieurs dizaines de millimètres de pluie sur des zones durement sinistrées, sur des superficies encore très importantes.

La France peut-elle être touchée ? 

Non, le système Boris n'atteindra pas la France. 

Quel est le lien avec le changement climatique ?

Des études d’attribution seront menées très prochainement pour déterminer la part attribuable ou non au réchauffement climatique. Le fait que des records de pluie en 72h ou 96h soient battus avec une marge si importante est néanmoins très frappant. Globalement, les précipitations extrêmes sont rendues plus fréquentes et plus intenses en raison du changement climatique sur la majeure partie de la planète, dont le centre et l’est de l’Europe. Le changement climatique a donc vraisemblablement contribué à l’intensité extrême de cet épisode.