Canicule océanique : la mer Méditerranée toujours anormalement chaude
25/08/2022Fin juillet, la température de surface de la mer a régulièrement atteint 27 à 30 °C entre la mer Tyrrhénienne et la mer des Baléares, soit 4 à 6 degrés au-dessus de la normale. On parle de canicule océanique. Durant la journée du dimanche 24 juillet 2022, la bouée au large d’Alistro en Corse a même enregistré une pointe à 30,7 °C et encore 30,5 °C le 6 août. Depuis début août, la température, plutôt proche de 24 à 26 °C sur le golfe du Lion, reste entre 27 et 29 °C entre la Côte d'Azur et la Corse et sur une grande partie de la Méditerranée occidentale.
Depuis le début de l’été, le mistral s’est montré très discret et des conditions anticycloniques chaudes ont dominé sur l’ouest du bassin méditerranéen. Ceci a favorisé une hausse de la température de surface de la mer au cours du mois de juillet pour atteindre des températures remarquables. Depuis août le vent et les passages pluvio-orageux ont modéré cette température, mais elle reste encore à un niveau supérieur à la normale.
Anomalie de température de surface de la mer Méditerranée au 24 août 2022. © NOAA
Qu’est-ce qu’une canicule océanique ?
Une canicule océanique est un événement rare ou extrême au cours duquel la température de la mer est anormalement chaude et a un impact sur les écosystèmes marins.
Est-ce la première canicule océanique en Méditerranée ?
Depuis 1982, date des premières données satellites fiables, on a observé qu’une seule fois de telles valeurs, en août 2018. Celle-ci avait une intensité exceptionnelle, avec à son pic plus de 6,5 degrés de plus que la normale au large de Marseille.
Des chercheurs du CNRM (Météo-France/CNRS) ont travaillé sur les tendances passées/futures de ces phénomènes en Méditerranée. Sur la période 1982-2017, ils ont détecté 29 canicules en Méditerranée. Dans le climat actuel, les canicules océaniques en Méditerranée durent en moyenne 20 jours et couvrent environ 40 % de la surface de la mer Méditerranée à leur pic.
Le changement climatique joue-t-il une influence sur les canicules océaniques ?
Au cours des dernières décennies, on note une augmentation de la durée, de l’extension spatiale et de l’intensité des canicules océaniques de surface en Méditerranée. En mer, les canicules des étés 2003, 2012, 2015 et 2017 sont les évènements les plus sévères observés (1982-2017).
Quel que soit le scénario d’émission des gaz à effet de serre, les canicules océaniques sont plus longues et plus intenses. Dans le scénario pessimiste, les simulations projettent à la fin du XXIe siècle au moins une canicule océanique par an, qui pourrait être jusqu’à 4 mois plus longue et 4 fois plus intense.
Est-ce seulement observable en surface ?
Les canicules océaniques profondes augmentent aussi. On a détecté des tendances significatives à 20 m , 40 m et 55 m. L’impact est non négligeable pour certaines espèces importantes et emblématiques de la Méditerranée, comme la posidonie ou les gorgones.
Est-ce que cette canicule océanique va avoir une influence sur la fréquence des épisodes méditerranéens cet automne ?
On sait que des eaux chaudes constituent un carburant pour les épisodes méditerranéens. En effet, les nuages d’orage se forment quand de l’air froid d’altitude survole de l’air doux dans les basses couches de l’atmosphère. Une surface de l’eau chaude entretient cette douceur dans les basses couches et fournit l’humidité nécessaire à la formation du nuage. Plus l’eau est chaude, plus il y a d’évaporation, plus il y a d’eau disponible dans l’atmosphère et plus les pluies pourront potentiellement être intenses.
Mais, même si la température de la Méditerranée représente le carburant des épisodes méditerranéens, c’est bien la situation météorologique qui en est le moteur. Or, il est impossible de prévoir dès maintenant si les conditions atmosphériques (la position des dépressions et des anticyclones) seront propices cet automne à la formation d’un tel évènement. Il est donc impossible de se prononcer sur l’occurrence ou non d’épisode méditerranéen pour cet automne.