Entretiens La circulation océanique de l’Atlantique connaît un important ralentissement lié au réchauffement climatique

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Changement climatique : ralentissement sans précédent du Gulf Stream

23/03/2021

La circulation océanique de l’Atlantique Nord connaît un important ralentissement. Une poursuite du réchauffement en lien avec les émissions humaines pourrait amplifier ce phénomène au cours du siècle.

C’est ce que montrent deux études récentes publiées dans Nature Geoscience et PNAS.

À l'occasion de la Journée météorologique mondiale le 23 mars qui a pour thème «L'océan, le temps et le climat», David Salas y Melia, chercheur de Météo-France au CNRM, le Centre national de recherches météorologiques, revient sur ces résultats.

Qu’est ce que le Gulf Stream ?

Le Gulf Stream fait partie d’un puissant système de courants marins de l’Atlantique Nord qui fait remonter les eaux chaudes de surface depuis l’équateur jusqu’au nord du bassin atlantique, sous l’impulsion du vent et d’une plongée en profondeur des eaux froides des mers arctiques renvoyées vers le sud. Cette circulation océanique de l’Atlantique Nord, AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation) en anglais, fonctionne comme un tapis roulant déplaçant près de 20 millions de mètres cubes d’eau par seconde, soit près de 100 fois le débit du fleuve Amazone. 

" La circulation océanique de l’Atlantique Nord  fonctionne comme un tapis roulant déplaçant près de 20 millions de mètres cubes d’eau par seconde, soit près de 100 fois le débit du fleuve Amazone."

Que constate-t-on ?

L'ensemble de cette circulation océanique, l'AMOC, connaît actuellement un ralentissement sans précédent depuis un millénaire, comme le souligne la publication de Geoscience. Tout un ensemble d’indices convergent en effet pour suggérer une baisse de cet indice sur le long terme.

"L'AMOC connaît actuellement un ralentissement sans précédent depuis un millénaire. "

Comment l’expliquer  ?

Cet affaiblissement de la circulation océanique pourrait s’expliquer par la fonte des glaces de l’Arctique et du Groenland. En fondant, elles libèrent d’importantes quantités d’eau douce qui réduisent la salinité, et donc la densité des eaux de surface de l’océan au nord de l’Atlantique. Celles-ci sont ainsi moins denses et ont plus de mal à plonger en profondeur, ce qui affaiblit le système de circulation atlantique dans son ensemble. Une poursuite du réchauffement en lien avec les émissions humaines pourrait amplifier ce phénomène.

"Une poursuite du réchauffement en lien avec les émissions humaines pourrait amplifier ce phénomène."

À quoi s’attendre à l’avenir ?

Plusieurs éléments de littérature suggèrent un affaiblissement de la circulation océanique atlantique au cours du XXIe siècle. Dans son rapport spécial Océan et Cryosphère (2019), le Giec estime que la circulation méridienne océanique de retournement de l’Atlantique (AMOC) pourrait s'affaiblir de 11 % (+/- 14 %)  selon le scénario RCP 2.6, à 32 % (+/- 14 %) pour le RCP 8.5 au cours du XXIe siècle. Toutefois, l’AMOC pourrait augmenter au cours de certaines décennies en raison de l’importante variabilité naturelle interne.
Le deuxième article, paru dans PNAS, complète les connaissances en expliquant que l’AMOC peut fortement ralentir avec des quantités d’eau de fonte des glaces de l’Arctique et du Groenland plus faibles qu’estimé jusqu’à présent, si la vitesse d’injection est grande.

 

Les scénarios d'émission RCP

Les scénarios RCP (Representative Concentration Pathways) ont été définis par les scientifiques pour décrire l'évolution possible de facteurs susceptibles d'agir sur le climat (notamment les gaz à effet de serre, aérosols, changements d'utilisation des sols). Ils sont utilisés en entrées de modèles climatiques globaux dont l’objectif est de simuler l’évolution du climat à l’échelle mondiale.
Les scénarios RCP les plus couramment utilisés sont le RCP2.6, le RCP4.5 et le RCP8.5. Le RCP2.6 décrit un monde très sobre en émissions de gaz à effet de serre, dans lequel le réchauffement global, de l'ordre de 2 °C par rapport aux températures préindustrielles, est compatible avec l'objectif de l'Accord de Paris. Le RCP8.5 décrit quant à lui un futur sans régulation des émissions, menant à environ 5 °C de réchauffement global d’ici la fin du siècle. Le scénario RCP4.5 décrit une voie intermédiaire, dans laquelle les émissions continuent de croître jusque vers 2040, avant de décroître

Quelles sont les conséquences de cet affaiblissement ?

Ce ralentissement de la circulation océanique a des répercussions potentiellement majeures pour les continents adjacents. Dans son rapport spécial Océan et Cryosphère, le Giec souligne que cet affaiblissement de l’AMOC pourrait conduire à des épisodes hivernaux plus marqués en Europe, à une réduction des pluies estivales au Sahel et en Asie du Sud, à moins de cyclones tropicaux dans l’Atlantique Nord, et accentuer l'élévation du niveau de la mer sur les côtes du nord-est de l'Amérique du Nord. Ces conséquences font l’objet de travaux de recherche actifs et leur évaluation dépend fortement de la performance des modèles globaux de climat.