Entretiens Illustration - Episode méditerranéen

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"Les épisodes méditerranéens les plus forts seront plus fréquents et plus intenses "

01/10/2021

Véronique Ducrocq est météorologue à Météo-France. En tant que chercheuse spécialiste des épisodes méditerranéens, elle coordonne le projet HyMeX, un programme international visant à améliorer la compréhension et la modélisation du cycle de l’eau en Méditerranée.

Comment expliquer la violence des précipitations qui se sont abattues vendredi sur les Alpes-Maritimes ?

"La tempête Alex qui a touché terre sur la Bretagne la nuit du 1 au 2 octobre est issue du creusement très rapide d'une dépression sur l'Atlantique. Une perturbation très pluvieuse est venue s’enrouler autour de ce minimum dépressionnaire. Un flux de sud associé  a transporté un air chaud et humide  venu de la Méditerranée qui a rencontré le relief des Alpes.  L’air s’est alors élevé, s’est refroidi et a entraîné la formation de précipitations orageuses. Les cellules orageuses se sont continuellement renouvelées pendant plusieurs heures au-dessus des vallées de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya. Le système pluvio-orageux a ainsi stationné  au-dessus des Alpes-Maritimes et l'est du Var pendant plus d’une dizaine d’heures , en se régénérant grâce au vent chaud et humide qui perdurait. Il s’agit de ce que l’on appelle un épisode méditerranéen.

Les cumuls provoqués  par ces pluies intenses et orageuses ont été exceptionnels, voire sans précédent. Ils ont provoqué des crues dévastatrices. "

Les mécanismes de formation d'un épisode méditerranéen.

À quel point ces intempéries sont-elles exceptionnelles ?

" Les cumuls de précipitations observés pendant cet épisode ont été tout à fait exceptionnels : ce sont localement 500 mm de pluies, c’est à dire 500 litres par mètre carré qui sont tombées dans l'arrière-pays. Plusieurs records absolus ont été battus... Ce sont des intensités de pluie qui ne se produisent normalement qu’une fois par siècle. 
Ces valeurs centennales ont été largement dépassées…  Et c’est la deuxième fois cette année que l’on atteint un tel cumul de plus de 500 mm sur l’arc méditerranéen, après l’épisode du 19 septembre dans le Gard. C’est historique : on n’a jamais eu à deux reprises dans l’année un tel niveau de précipitation, dont la durée de retour est normalement centennale. 
Si l’on remonte dans l’histoire, nous avons déjà enregistré deux épisodes avec plus de 500 mm : 687 mm à Anduze (Gard) les 8 et 9 septembre 2002, entraînant 22 morts, et 622 mm à Lézignan (Aude), les 12 et 13 novembre 1999, avec 35 victimes. En 1940, on aurait enregistré près de 1 000 mm dans les Pyrénées-Orientales, mais ces relevés présentent des incertitudes. "

" C’est historique : on n’a jamais eu à deux reprises dans l’année un tel niveau de précipitation, dont la durée de retour est normalement centennale. "

Peut-on y voir une conséquence directe du réchauffement climatique ?

" L'analyse des événements pluvieux extrêmes méditerranéens au cours des dernières décennies met en évidence une intensification des fortes précipitations et une augmentation de la fréquence des épisodes méditerranéens les plus forts.

Le 6e rapport du GIEC, publié au cours de l'été 2021, confirme l'intensification attendue de ces épisodes de fortes précipitations si le réchauffement global continue à s'intensifier et dépasse 2 °C. De manière générale, sous l’effet de la hausse de la température, l’atmosphère peut contenir davantage de vapeur d’eau, qui peut davantage se transformer en pluies, ce qui conduit à une intensification des précipitations.

Les analyses d'extrêmes appliquées aux projections climatiques régionales semblent également indiquer une augmentation de l'intensité des précipitations intenses sur la partie nord du Bassin méditerranéen.

L’évolution future des précipitations intenses reste cependant un défi majeur pour les modélisateurs du climat. "