A la une Image du satellite HIMAWARI8 le 14 décembre avant l'arrivée de Rai sur les Philippines..

Météo-France

Les Philippines centrales dévastées par le typhon Rai

20/12/2021

Le typhon Rai, 22e phénomène cyclonique et 9e typhon de l’année dans le Pacifique nord-ouest, a balayé la partie centrale de l’archipel philippin puis circulé aux abords des côtes vietnamiennes. Ce typhon a atteint la catégorie 5/5 de l’échelle Saffir-Simpson à deux reprises, une première fois à l’approche des Philippines, puis à nouveau en mer de Chine.
Il se situe ce lundi 20 décembre à 500 km au sud de Hong-Kong, déstructuré et nettement moins virulent que les jours précédents, et a été rétrogradé au stade de tempête tropicale.

Évolution du super-typhon Rai

Au terme d’une saison à l’activité légèrement inférieure à la normale (tant en nombre de phénomènes, en nombre de typhon, qu’en énergie cyclonique accumulée), et après une remarquable séquence hivernale sans phénomène majeur en hémisphère Nord (bonne partie d’octobre et novembre), une zone de forte convection est surveillée à partir du 8 décembre. Celle-ci mettra quelques jours à donner naissance à une tempête tropicale organisée, et les services météorologiques japonais (JMA), en charge de la surveillance du bassin, la nomment le 13 décembre. Celle-ci a du mal à s’intensifier et le Joint Typhoon Warning Center américain (JTWC) prévoit une intensité de catégorie 1, voire 2. 

Le 15 décembre, le phénomène subit une phase d’intensification rapide et imprévue (voir paragraphe ci-dessous) pour atteindre la catégorie 5 le 16 décembre, juste avant d’atteindre la côte est des Philippines centrales. Il a traversé d’est en ouest l’archipel et a ainsi « atterri » une dizaine de fois sur une île des Philippines, en diminuant continuellement en intensité mais en occasionnant des dégâts extrêmes avant de rejoindre le large en mer de Chine. Il a quitté le territoire philippin au stade de cyclone de catégorie 2. Il subit alors une nouvelle phase d’intensification rapide pour atteindre de nouveau la catégorie maximale en mer de Chine, en poursuivant sa route en direction des côtes vietnamiennes. Il balaie des îles vietnamiennes mais reste assez loin du continent avant de perdre de son intensité en remontant vers le nord-est, et devant lutter contre les vents secs de la mousson d’hiver asiatique (des vents de nord-est secs et froids conduits par l’anticyclone hivernal qui s’installe sur le continent asiatique). 

Intensification rapide des cyclones

Le « service national des ouragans » américain (National Hurricane Centre), en charge de la surveillance des bassins atlantique, pacifique nord-est et pacifique central, définit l’intensification rapide des cyclones comme un accroissement  de 30 nœuds (soit environ 55 km/h) en 24 heures des vents moyens maximaux d’un cyclone. 

Ce phénomène est à l’œuvre dans de nombreux cas de phénomènes extrêmement puissants (comme Irma en 2017), et est un enjeu fondamental de la prévision des cyclones, faisant toujours l’objet de recherches. En effet, ces phases d’intensification rapide aboutissent à des phénomènes potentiellement dévastateurs mais restent très difficiles à prévoir. 

L’environnement du cyclone a un rôle essentiel dans ces phases – à savoir des eaux de surface très chaudes (autour de 30 °C), une épaisseur d’eaux chaudes assez importante pour que l’état de la mer induit par le cyclone ne refroidisse pas la surface de l’océan par mélange, et une circulation météorologique de grande échelle propice (faible cisaillement vertical, forte divergence en altitude). Mais comme souvent en météorologie, il ne s’agit ni de conditions nécessaires, ni suffisantes ! De plus, au sein même d’un cyclone formé, il semble également que des cumulonimbus extrêmement épais, dont les sommets atteignent la stratosphère, appelés « hot towers » en anglais, et qui se développent au niveau du mur de l’œil, soient partie prenante du mécanisme de l’intensification rapide.

Quelques faits marquants

  • Typhon de catégorie 5 très tardif : c’est le premier typhon de catégorie 5 en décembre depuis le super typhon Nock-ten en 2016, passé aux Philippines à Noël.
  • Un catégorie 5 en mer de Chine : il est très rare d’atteindre ce stade en mer de Chine méridionale (mer située entre Philippines, Vietnam, Chine et Indonésie). Il s’agit du troisième phénomène de l’ère moderne à atteindre ce stade dans le sous-bassin, après Pamela en 1954 et Rammasun en 2014.
  • Rai a eu un (faux !) jumeau dans l’hémisphère Sud... En effet, le cyclone Ruby, qui a circulé aux abords de la Nouvelle-Calédonie la semaine dernière, est né en même temps que Rai. Les deux phénomènes sont nés et se sont renforcés de part et d’autre de l’équateur en même temps, à l’occasion d’une phase active de l’oscillation de Madden-Julian (MJO) : il s’agit d’une anomalie de forte convection (et donc de fortes précipitations) le long de l’équateur se propageant depuis l’ouest de l’océan Indien vers le Pacifique. En arrivant à l’est de la Nouvelle-Guinée, elle a permis la formation de zones de convection propices à la formation de cyclones. Le tourbillon cyclonique de chaque côté de l'équateur a aussi été boosté par le passage au même moment d'une onde de Rossby équatoriale, qui circule d'est en ouest dans le sens opposé à la MJO. L’image satellite ci-dessous montre les deux zones surveillées le 9 décembre, ayant donné naissance aux deux phénomènes cycloniques.