Pourquoi le temps change-t-il si vite au printemps ?
10/04/2024Le printemps est connu pour être une saison de contrastes. Soumise à des masses d’air d’origine polaire encore froid, ou à des masses d’air chaud d’origine subtropicale, la France peut connaître de brusques changements de températures. Le printemps 2022 nous a encore donné un bel exemple de changement radical de temps, avec une remarquable douceur fin mars et un début avril particulièrement froid avec de la neige jusqu’en plaine.
Ces derniers printemps, nous avons l'impression de connaître souvent une alternance de temps parfois assez brutale ! Est-ce normal ?
Les changements brusques de température qui semblent nous faire passer de l’été à l’hiver, ou inversement, sont caractéristiques du printemps mais restent toujours aussi surprenants. Heureusement les archives du climat permettent de se remémorer les événements passés.
Dans un passé récent, on se rappellera du printemps 2021, où la remarquable douceur de fin mars a été suivie d'un épisode de gel tardif historique du 4-8 avril.
En 2018, la chaleur exceptionnelle du 12 au 22 avril laisse place à un épisode froid avec des chutes de neige en fin de mois. En 2013, l’indicateur national de température maximale perd 14 degrés en seulement deux jours, du 25 au 27 avril.
Ces situations sont cependant classiques au printemps, et ont déjà été observées par le passé.
À l’échelle du pays, le 12 avril 1986 reste la journée d’avril la plus froide. L’épisode froid avait duré du 9 au 13 avril, avec des chutes de neige touchant une grande partie de la France.
Des chutes de neige sont fréquemment observées en plaine, au printemps. À Paris, on a déjà observé de la neige jusqu’en mai. On relevait 3 cm dans la capitale le 18 mai 1935.
On a coutume de dire qu’il y a un risque de gelées en plaine jusqu’aux Saints de Glace, les 11, 12 et 13 mai.
Ces changements sont tout à fait classiques au printemps et s’observent lorsque les centres d’action (dépressions, anticyclones) organisent des flux méridiens (nord-sud) sur notre pays. On peut les observer en toutes saisons mais leurs effets sont particulièrement marqués au printemps.
Comment expliquer ces changements rapides printaniers ?
Le printemps marque la fin de la nuit polaire en Arctique, mais la masse d’air qui baigne le pôle se radoucit lentement. Si une masse d’air d’origine arctique déboule sur la France, dans un flux de composante nord, elle transite sur des océans encore froids en cette saison. Par conséquent, elle se radoucit moins qu’en automne, par exemple, où les mers, par inertie, sont plus douces qu’au printemps. Lorsqu’une telle masse d’air envahit la France au mois d’avril, on peut s’attendre à de la neige en plaine de façon localisée et à des gelées en plaine. Lorsqu’un telle vallée froide (thalweg) s’enfonce sur la France, il est classique qu’une partie s’isole en goutte froide (dépression fermée en altitude). Les gouttes froides sont associées à un temps très instable et contribuent à la sensation d’un temps hivernal, avec de fréquentes averses pouvant tomber sous forme de neige.
A contrario, si le flux s’oriente au sud et fait remonter une masse d’air d’origine subtropicale, si des conditions anticycloniques se maintiennent, la France peut connaître des journées estivales au printemps. Les journées se rallongent, et le soleil monte déjà haut dans le ciel en avril, et les températures montent plus facilement dans la journée. Un bel ensoleillement peut permettre au mercure d’atteindre les 25 °C, et même de façon plus remarquable les 30 °C, tôt dans la saison, jusque dans la moitié nord.
Au printemps, la France a parfois la tête à l'envers avec plus de soleil au nord qu'au sud... Pourquoi ?
Les flux méridiens typiques des mois de printemps s'accompagnent de situations météorologiques où les hautes pressions remontent vers le nord de l'Europe, parfois vers les Îles britanniques, parfois vers la Scandinavie et parallèlement, les basses pressions atlantiques "plongent" vers la Méditerranée. Cela se traduit par des écarts de température entre le nord et le sud plus faibles que les autres mois de l'année, notamment en avril et mai. C'est à cette période de l'année qu'il peut faire aussi nettement plus chaud au nord qu'au sud. L'exemple extrême de ce type de situation est le 27 avril 1993 avec une maximale de 10 °C à Carcassonne et Albi contre 29 °C à Strasbourg et Colmar.
Ces "inversions de valeur" entre le nord et le sud peuvent se constater sur le paramètre de l'ensoleillement. D'ailleurs, avril a la particularité climatologique d'être le seul mois de l'année où les plus fortes valeurs d'ensoleillement jamais observées appartiennent à des villes non méditerranéennes, en l'occurrence des villes du Nord-Est (dont Strasbourg qui a mesuré 346 heures et 33 minutes en avril 2007, 11 heures de soleil par jour !).
Au niveau des moyennes mensuelles d'ensoleillement d'avril ou mai calculées sur 30 ans (1991-2020), des villes du nord comme Le Touquet, Parisou Strasbourg ont des valeurs plus élevées que des villes du Sud-Ouest comme Mont-de-Marsan, Biarritz, Tarbes ou Pau. À Toulouse, les deux mois les plus pluvieux de l’année sont avril et mai. S'il n'est pas anormal qu'une ville du nord figure en tête des villes les plus ensoleillées sur un mois du printemps (voir l'exemple de Strasbourg en avril 2007), l'année 2020 a pour la première fois vu une ville "nordiste" arriver en première position des villes les plus ensoleillées sur l'ensemble de la saison printanière (du 1er mars au 31 mai). Il s'agissait du Touquet avec 809 heures de soleil sur les trois mois contre seulement 517 heures à Tarbes. Le beau temps de ce printemps 2020 est d'autant plus resté dans les mémoires que le confinement lié à la crise Covid n'a pas permis d'en profiter pleinement.