A la une Vue sur le Vercors depuis le nord.

Hugo Merzisen

Montagne : un enneigement très déficitaire

23/02/2023

Au 22 février, il n’a pas neigé de manière significative depuis plus d’un mois sur les Alpes comme sur les Pyrénées où la neige fraîche revient aujourd’hui par l’ouest. 30 à 50 centimètres sont prévus, un peu moins sur le Massif Central et seulement quelques centimètres sur les autres reliefs.

Attention ! En montagne les conditions peuvent changer rapidement et le risque d’avalanche est toujours présent : informez-vous en consultant les bulletins d’estimation du risque avalanche, la Vigilance météorologique et renseignez-vous localement auprès des professionnels de la montagne avant de partir.

Un enneigement très déficitaire

En moyenne montagne, la hauteur de neige est très déficitaire en de nombreux endroits sur les Alpes et les Pyrénées. Dans les Alpes, à 1500 m on ne trouve qu’une vingtaine de centimètres, localement 50 cm au fond des vallées intérieures. L’enneigement est encore plus faible à l’extrême sud des Alpes et dans les Préalpes où à cette altitude il n’y a pas de neige. 
Dans les Alpes du sud le contraste est accentué entre les versants nord où on trouve de la neige à 1300 à 1600 m, et les versant sud où il faut monter jusqu’à 2000 ou 2300 m. À 2000 m on trouve encore de 50 à 70 cm de neige en versant nord. Cet enneigement est déficitaire pour la saison. Dans les Alpes du Nord ce déficit est encore plus marqué où on se rapproche des valeurs record de faible enneigement, surtout en moyenne montagne.

Depuis une semaine dans les Pyrénées, la neige a déserté les altitudes inferieures à 1500 m – même en versant nord. En haute montagne l’enneigement est faible, à 2000 m on trouve de 50 cm à 70 cm de neige naturelle d’est en ouest de la chaîne des Pyrénées.

Est-ce normal ?

Dans les Préalpes un enneigement très déficitaire comme aujourd’hui était rarement observé. Des hivers récents très peu enneigés en février dans les 20 dernières années sont les hivers de 2006-07, 2010-11 et 2016-17. Cet hiver bat encore plus de records, par exemple, au Col de Porte en Chartreuse à 1325 m depuis le début des mesures en 1961, une épaisseur de neige au sol de 6 cm qu’on observe aujourd’hui est la plus faible observée pour un 22 février. 

Depuis le début de cet hiver 2022-23, l'épaisseur moyenne entre le 1er décembre et le 22 février est de 14 cm. Cette valeur moyenne le situe comme le 3e hiver le moins enneigé après 1989-90 (8 cm en moyenne), 1992-93 (10 cm) et juste avant 2006-07 (16 cm) et 1963-64 (18 cm).

Les causes d’un manteau si mince

En moyenne montagne dans les Alpes, ces hivers très peu enneigés jusqu'en février se caractérisent par ; soit un très fort déficit de précipitations (hivers secs de 1992-93 et 1963-64), soit de la pluie (hivers pluvieux 1989-90 et 2006-07). Cet hiver au Col de Porte est plutôt dans cette seconde catégorie avec des chutes de neige dès la fin novembre et début décembre, suivi d'un temps pluvieux 100 mm de pluie entre le 17 décembre et le 9 janvier, à nouveau un peu de neige puis un temps sec depuis un mois.

Et dans les Pyrénées ?

Dans les Pyrénées l’enneigement était très déficitaire en février dans les hivers de 2006-07, 2010-11 et 2019-2020, et à l’est dans l’hiver de 2007-08. Cet hiver s'inscrit dans cette série des mois de février avec un enneigement très déficitaire. Les chutes de neige actuelles mettront fin à cette période de sécheresse, mais elles ne permettront pas de rattraper les déficits d’enneigement. À la nivôse de Lac d’Ardiden à 2445 m en Haute-Bigorre le 23 février il y a un mètre de neige, une valeur très faible qu’on rencontre une fois tous les 10 ans.

La Corse, le Jura et le Massif Central

Grace aux chutes intenses de janvier l’enneigement est encore bon sur le nord de la Corse, autant de neige que la normale avec environ 2 m à la nivôse de Maniccia aujourd’hui. On trouve encore de la neige dès 1200 m en versant nord et dès 1400 m en versant sud. Les épaisseurs augmentent ensuite rapidement avec l’altitude, de 20 à 50 cm à 1500 m et environ un mètre ou plus à 2000 m. 

Sur le Massif Central l’enneigement est assez haut avec une limite vers 1200 à 1400 m, mais là, les chutes de cette fin de semaine vont rajouter une couche sur les hauteurs.

Dans les Vosges à la station météorologique de Markstein à 1184 m ils restent encore 25 cm.

Dans le Jura, à la station de la Pesse à 1133 cm il n’y a plus de neige depuis 2 jours. Les faibles chutes de neige prévues pour les prochains jours n’apporteront pas un grand changement.

Que disent les experts du climat sur l'évolution de l'eneigement ?

Les études de l'impact du changement climatique, dont celui sur l'enneigement, sont menées depuis plusieurs années, notamment à Météo-France. Les résultats sont accessibles au public sur le portail DRIAS les futurs du climat et réactualisées régulièrement au fil des nouveaux résultats scientifiques.

L’exemple pour le massif de Chartreuse à 1500 m (comparable à l’altitude du Col de Porte, 1325 m) montre bien la baisse de l’enneigement moyen et qu’elle se poursuit dans les années prochaines. La forte variabilité représente une alternance d'hivers avec plus de neige et d'hivers avec peu de neige. Malgré cette variabilité la tendance est claire : Les hivers très bien enneigés seront plus rares, des hivers très peu enneigés, encore moins qu'aujourd'hui vont se produire et leur fréquence va augmenter.

Sur le scénario avec émissions modérées (RCP4.5, en bleu clair), à la fin du siècle, un hiver sur deux sera peu enneigé – comparable à ce que l'on rencontre aujourd'hui environ une année sur cinq. Sur le scénario en rouge avec des émissions non réduites (RCP8.5), à la fin du siècle, presque tous les hivers seront comparables à celui que nous vivons aujourd'hui et un hiver sur deux sera sans neige au Col de Porte.

Graphique de l'évolution des épaisseurs moyenne de neige sur la période hivernale (1er décembre à 30 avril. Évolution de l’enneigement constatée en gris (période de 20 ans d’observations) ou noir (périodes de 30 ans de réanalyse). En couleur les projections jusqu'à la fin du siècle en fonction du scénario RCP,le rouge correspondant aux plus fortes émissions de gaz à effet de serre. Les boîtes contiennent 80% des données, la ligne au centre de la boîte est la médiane.  © Météo-France

Dans les Alpes, ce sont les altitudes en-dessous d'environ 2000 m pour lesquelles l'impact du changement climatique sur l'enneigement est le plus visible.