Infos climat Les pluies diluviennes ont provoqué des crues dans les Alpes-Maritimes

Infoclimat / Meteo78

Tempête Alex : des intempéries exceptionnelles

03/10/2020

La tempête Alex, qui a touché la France entre le 1er et le 2 octobre 2020, a provoqué un épisode méditerranéen exceptionnel sur les Alpes-Maritimes et des pluies record sur l'ouest de la France. Comment s’est-elle formée ? Est-il fréquent d’avoir une tempête de cette intensité si tôt dans la saison ? Quelle était la probabilité pour le Sud-Est de subir un épisode méditerranéen si violent ? À quoi s'attendre à l'avenir avec l'influence du changement climatique ?

Un creusement dépressionnaire très rapide

La tempête Alex a touché la France dans la nuit du jeudi 1er au vendredi 2 octobre 2020. 

Elle a eu une trajectoire extrêmement originale : elle a stagné sur la Manche pendant la journée du 2 octobre en produisant encore de fortes pluies sur l'ouest du pays, avant de plonger vers les côtes atlantiques le 3 pour enfin se diriger vers le centre du pays. Le 4, elle s'est décalée vers le sud de l'Angleterre, avant de s'évacuer en mer du Nord le lendemain.

Alex provient du creusement très rapide d'une dépression sur l'Atlantique, à environ 600 km de la Bretagne.

Un tel creusement a été rendu possible par une forte dynamique en altitude, et notamment le " courant-jet ". Ce courant de vents très forts situés entre la troposphère et la stratosphère a une grande influence sur les conditions météorologiques à nos latitudes.

Un épisode méditerranéen exceptionnel

La tempête Alex a déclenché un épisode méditerranéen sans précédent.

Le vendredi 2 octobre, le maintien de conditions dépressionnaires sur le nord-ouest du pays, associé à de l'air froid en altitude plongeant vers la péninsule Ibérique, a établi un flux rapide et massif de sud sur la Méditerranée. L'air chaud et humide a buté sur le relief alpin, provoquant un épisode méditerranéen historique sur les Alpes-Maritimes 

Des cumuls de pluie exceptionnels ont été enregistrés dans l’intérieur des Alpes-Maritimes et
l’extrême nord-est du Var.  Les pluies diluviennes, atteignant localement 500 litres par mètre carré, ont engendré des crues dévastatrices du Var et des cours d’eau tributaires. 

On a ainsi mesuré 500 mm de pluies à Saint-Martin-Vésubie en 24 heures, soit un nouveau record tous mois confondus en 24, 48 ou 72 heures à l'échelle départementale.

  • 380 mm à Andon, l'équivalent 2 mois et demi de pluies d'octobre ;
  • 343 mm à Tende,
  • 336 mm à Coursegoules, soit 2 mois de pluie ;
  • 319 mm au Mas, soit 2 mois ;
  • 271 mm à Breil-sur-Roya, soit 2 mois ;
  • 199 mm à Sospel, soit 1 mois et demi de pluie ;
  • 178 mm à Caussols, soit 1 mois de pluie.

Les quantités précipitées correspondent à des épisodes qui ne se produisent en moyenne qu'une fois par siècle, voire moins.

Vents violents : jusqu'à 186 km/h à Belle-Île

La dépression a  atterri sur le sud du Morbihan avec des pressions très basses proches de 970 hPa (969,6 hPa à Vannes, 972 hPa à Belle-Île-en-Mer). Le Morbihan et l'Ille-et-Vilaine ont enregistré les vents les plus forts.

Des rafales de 186 km/h ont été mesurées à Belle-Île - Le Talut (56), un record pour la station battant de très loin l'ancien record de 162 km/h enregistré le 03/02/1990. 

D'autres rafales remarquables ont été observés :

  • 157 km/h à l'Île-de-Groix (56)  (valeur record enregistrée le 04/01/1998 : 180 km/h) ;

  • 134 km/h à Sarzeau (56) (2e valeur la plus élevée derrière les 140 km/h du 07/10/2001) ;

  • 131 km/h à Vannes (56) (2e valeur la plus élevée derrière les 137 km/h du 10/03/2008) ;

  • 116 km/h à Rennes-Saint-Jacques (35)  (5e valeur la plus élevée depuis 1981).

Pluies record sur les Côtes d'Armor

La tempête Alex a également engendré des cumuls de pluie exceptionnels sur la Bretagne, du 1er au 3 octobre avoisinant les 150 mm en 72 heures sur le nord-ouest des Côtes d'Armor, et souvent plus de 100 mm ailleurs. 

On a ainsi relevé :

151 mm à Saint-Brieuc, un record absolu de pluie sur la station en 72 heures. Saint-Brieuc a aussi battu son record de pluie en 24 heures avec 55 mm relevés lundi, et en 48 heures avec 97mm mesurés les 2 et 3 octobre.  
159 mm à  Pommerit-Jaudy (22) en 72 heures : soit un record en 3 jours hors été (JJA) pour l'ensemble du département.

Des pluies intenses en Aquitaine

Sur les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, les pluies ont également été conséquentes entre jeudi soir et lundi matin.

Du 2 au 4 octobre, il est déjà tombé généralement 100 à 150 mm sur ces départements, localement 200 à 225 mm sur le sud des Landes :
225 mm ont été mesurés à Saint-Martin-de-Hinx (40) en 72 heures, soit un record en 3 jours hors été à l'échelle départementale.

Une tempête remarquable début octobre

Alex, première tempête de la saison, est remarquable par sa précocité. Les tempêtes en France sont habituellement observées au cœur de l’hiver. 

On ne dénombre que 18 tempêtes en octobre depuis 1981 et aucune majeure avant le 15 octobre.

La tempête la plus précoce détectée jusqu'alors était Hortense, le 4 octobre 1984, mais de bien plus faible intensité qu'Alex.

La tempête la plus importante en octobre est la tempête des 15 et 16 octobre 1987, dénommée « ouragan de 1987 », plus forte qu’Alex et classée au 9ᵉ rang des tempêtes les plus fortes qu’ait connu la France. Brest avait alors battu son record absolu de vent avec 148 km/h.

En Bretagne, tous mois confondus, la tempête d’octobre 1987 se classe d’ailleurs au 1er rang des tempêtes les plus fortes, suivi par Lothar (26/12/1999) et Herta (03/02/1990). Alex est d’une intensité et d’une couverture géographique bien plus réduite que ces trois évènements.

Changement climatique : des épisodes méditerranéens plus intenses

L'analyse des événements pluvieux extrêmes méditerranéens au cours des dernières décennies met en en évidence une intensification des fortes précipitations (+22 % sur les maxima annuels de cumuls quotidiens entre 1961 et 2015) et une augmentation de la fréquence des épisodes méditerranéens les plus forts, en particulier ceux dépassant le seuil de 200 mm en 24 heures.

Intensité des pluies extrêmes en régions méditerranéennes.

Les analyses d'extrêmes appliquées aux projections climatiques régionales indiquent une augmentation de l'intensité des précipitations intenses sur la partie nord du Bassin méditerranéen. Le 6e rapport du GIEC, publié au cours de l'été 2021, confirme l'intensification attendue de ces épisodes de fortes précipitations si le réchauffement global continue à s'intensifier et dépasse 2 °C.

Malgré les avancées récentes synthétisées dans le dernier rapport du GIEC paru au cours de l'été 2021, la modélisation des épisodes méditerranéens et de leur évolution sous l'influence du changement climatique reste aujourd'hui un défi d'actualité pour les modélisateurs du climat à Météo-France et dans la communauté internationale. De nouveaux résultats sont attendus dans les années à venir. Ces phénomènes sont en effet relativement mal représentés dans les modèles de climat standard.  Au cours de ces dernières années, le programme international Cordex* a permis de réaliser et de mettre à disposition des ensembles de simulations climatiques régionales à des résolutions spatiales (~10 km) permettant une meilleure représentation des évènements méditerranéens et donc une meilleure confiance dans leurs projections futures. 

Les travaux de recherche en cours devraient permettre de progresser sur ce sujet en utilisant des modèles climatiques de nouvelle génération pouvant atteindre les échelles kilométriques et représentant mieux la convection atmosphérique.