Et si les tempêtes de 1999 se produisaient aujourd'hui ?
05/03/2020En 20 ans, tout a changé, de la performance de la prévision numérique du temps à l'information du public. Que se passerait-il si les tempêtes exceptionnelles de 1999 se produisaient aujourd'hui ?
La quasi totalité de la France en Vigilance rouge
Les fortes précipitations dans l'Aude en novembre 1999, puis les tempêtes Lothar et Martin, survenues à la fin du mois de décembre 1999, ont mis en évidence le manque d'information de la population sur les dangers météorologiques. Ces événements ont marqué le point de départ de la réflexion lancée par Météo-France, à la demande du ministère en charge de l'Environnement, pour améliorer l'information des populations. Cette réflexion a abouti à la naissance, en 2001, de la Vigilance météorologique, ce dispositif inédit d'anticipation des risques, croisant des critères météorologiques et leurs effets pour les territoires.
Nous avons ainsi reconstruit les cartes qui auraient été produites si les tempêtes de 1999 se produisaient aujourd'hui.
Pour Lothar, 46 départements auraient été placés en Vigilance rouge, 19 en Vigilance orange.
Pour Martin, 35 départements et l'Andorre auraient été placés rouge, 16 en orange.
Au total, sur les deux épisodes, 79 départements auraient été concernés au moins une fois par une Vigilance rouge.
Prévision numérique du temps : 36 heures d'anticipation gagnées en 20 ans
Les modèles de prévisions numériques du temps se sont considérablement améliorés. Ils intègrent également beaucoup plus de données d'observation. Pour matérialiser ces progrès, Météo-France a rejoué la situation, en faisant tourner les modèles actuels pour analyser la situation de l'époque. Les résultats sont saisissants : même sur ces événements extrêmes, 36 heures d'anticipation au moins ont été gagnés en 20 ans.
23 décembre 1999
Le 23 décembre 1999, avant-veille de Noël, la situation météorologique, comme souvent à cette période de l'année, est propice à la formation des tempêtes sur le proche Atlantique. Les prévisionnistes de Météo-France s'inquiètent des prévisions fournies par les modèles numériques et confrontent les résultats avec les observations. La situation est suffisamment préoccupante pour que des bulletins d'alerte annonçant des vents violents soient diffusés vers les services de la Sécurité civile, conformément aux procédures de sécurité en vigueur... Quatre jours plus tard, la France compte ses victimes : en moins de 48 heures, deux tempêtes successives d'une violence inimaginable ont traversé notre pays à grande vitesse, laissant après leur passage 92 victimes et des dégâts matériels d'une très grande ampleur.
Pour Lothar, Les modèles de Météo-France de l'époque ont fourni des prévisions pertinentes, dès le 25 décembre à 00 UTC. Cependant, le développement explosif de la tempête est sous-estimé par le modèle du fait de son caractère extrême.
L'importance du creusement associé à la première tempête lors de son développement explosif est telle que le modèle ne parvient pas à restituer correctement les paramètres aux divers niveaux.
Pour Martin, dès la matinée du 27 décembre, le scénario d'évolution adopté par Météo-France au vu des résultats du modèle de prévision ARPEGE prévoit le passage d'une forte tempête nécessitant le déclenchement d'une nouvelle alerte au niveau national. Le modèle ne permet cependant pas d'anticiper précisément la trajectoire de Martin.
Pour cette seconde tempête, plus classique que la première, un nombre insuffisant d'observations sur l'Atlantique et le rejet intempestif de bonnes observations s'écartant trop de l'ébauche – constituée par une prévision à 6 heures d'échéance pour le 27 décembre à 12 UTC – ont conduit à de mauvaises analyses de la pression au niveau de la mer et des paramètres d'altitude.
Et si ces tempêtes se produisaient aujourd'hui ?
L'amélioration continue de nos modèles de prévisions numériques du temps, soutenue par la recherche et par l'augmentation considérable de la puissance de calcul, permettrait aujourd'hui d'obtenir 36 heures d'anticipation sur la prévision de l'arrivée de Lothar.
Avec un système de prévision numérique proche de notre savoir-faire d'aujourd'hui, la prévision pour le 26/12 à 06 UTC, heure à laquelle la dépression a déjà atteint son stade de maturité sur la France, réalisée à partir du 23 décembre à 18 h UTC est de même qualité que la prévision réalisée à l'époque le 25 décembre à 06 h UTC.
Les progrès de la prévision numérique du temps se concrétisent aussi pour les événements extrêmes.
Et c'est sans compter les progrès de l'observation. Ces prévisions rejouées utilisent en effet un état initial qui ne peut incorporer que les observations de l'époque. Or le monde de l'observation a aussi vu l'arrivée massive de nouvelles données mesurées par les satellites. On peut imaginer que l'on aurait pu faire encore mieux aujourd'hui. Cette expérience n'exploite pas non plus les potentialités de la plus haute résolution autorisée aujourd'hui, à savoir une résolution des modèles portées à 5 km sur la France en global, et à 1,3 km en prévision régionale.
Beaucoup de choses ont changé depuis 20 ans, des performances de la prévision à la chaîne d'alerte, perfectionnées avec la vigilance.