Histoire météo Les troupes américaines débarquent à Omaha beach © US. National Archives

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Juin 1944 : la météo au cœur du Débarquement

06/06/2024

Il y a 80 ans, en juin 1944, le Débarquement des forces alliées en Normandie ne pouvait avoir lieu que par des conditions météorologiques très particulières …

La météo a joué un rôle crucial dans le Débarquement de Normandie le 6 juin 1944.

Ce fut le cas dans plusieurs autres opérations militaires historiques. Aujourd’hui encore les prévisions météo sont centrales pour la Défense. Météo-France apporte un appui essentiel aux forces armées.
 

L’importance de la météo

Le Débarquement nécessite des conditions météorologiques particulières. Fort des enseignements des débarquements en Afrique du Nord et en Sicile, le général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, surveille de près les prévisions pour établir sa stratégie.

Il charge ainsi James Stagg, colonel dans l’aviation et chef météorologue au quartier général britannique, de la coordination des équipes de prévisionnistes issus des services météorologiques alliés civil (British Meteorological Office) et militaires (US Army Air Forces et Admiralty Weather Office).

Les conditions optimales d'un débarquement sur les côtes normandes sont les suivantes :

  • une nuit de pleine lune et peu de nuages pour les bombardements préalables ;

  • un vent faible pour le parachutage des hommes ;

  • peu de vagues à la côte pour le débarquement des hommes et du matériel ;

  • pour bénéficier à la fois d'un effet de surprise et y voir suffisamment, le débarquement doit avoir lieu à l'aube, mais avec une marée basse au lever du soleil afin de distinguer les mines et les obstacles déposés par les Allemands sur les plages.

Compte tenu de ces impératifs et en s'appuyant sur des études climatologiques, le général Eisenhower fixe, le 17 mai, la date du débarquement en Normandie au 5 juin 1944. À la fin du mois de mai, les forces alliées installent un PC météorologique à Portsmouth, au sud de l’Angleterre.

Le débarquement repoussé de 24 heures

À partir du 29 mai, les prévisions indiquent qu’après une période de temps clément, il faut s’attendre à une dégradation entre le 2 et le 4 juin, pouvant durer jusqu’au lundi 5 ou au mardi 6 juin.  
Le 2 juin, James Stagg confirme que les conditions devraient être perturbées jusqu’au 7 juin, même si l’incertitude est plus grande pour la fin de la période. L’opération Overlord est toutefois mise en route.
Le 3 juin, les conditions météorologiques prévues ne s’annoncent pas propices au débarquement : le vent doit se renforcer, jusqu’au passage du front froid, le 7 juin. Le général Eisenhower décide d’attendre le lendemain pour prendre une décision.
Le dimanche 4 juin au matin, les prévisions ont changé. James Martin Stagg signale que le front froid pourrait traverser la zone dès le lendemain matin, rendant impossible le débarquement. Le général Eisenhower décide alors de retarder l’opération de 24 heures et d’arrêter les forces navales déjà en mouvement. 
Ces prévisions sont confirmées le 4 juin au soir avec l’annonce d’une amélioration à partir de l’après-midi du 5 juin, avant une nouvelle dégradation. Le général Eisenhower confirme la date du 6 juin pour le débarquement.
 
Si la chronologie des conditions météorologiques durant ces jours décisifs est connue depuis de nombreuses années, des documents d’époque récemment exhumés du fonds d’archives météorologiques des Archives nationales à Fontainebleau permettent de cerner plus précisément les conditions climatiques des 5 et 6 juin 1944. Parmi ces documents figure notamment un carnet allemand d’observations horaires, réalisées depuis le phare de la Hève au Havre. 
Les Allemands, qui s'attendaient à un débarquement quelque part sur les côtes françaises, surveillaient évidemment de près l’évolution de la situation  météorologique. Ils savaient que les conditions de marée et de lune seraient favorables à partir du 5 juin, et ils avaient prévu du mauvais temps du 5 au 7 juin. Mais ils pensaient que les Alliés avaient besoin d'au moins 6 jours de beau temps pour lancer une telle opération. 
Les observations allemandes récemment retrouvées confirment que les conditions ont été beaucoup plus favorables le 6 juin que la veille. 

Focus sur le temps du 6 juin

La température était d’environ 18 °C, proche de la normale pour un jour couvert en juin. Elles attestent aussi de la présence de bancs de nuages bas (stratus) en fin de nuit, a priori non prévus. Ces nuages bas sont devenus plus nombreux au cours de la journée avec l’affaiblissement du vent (passant de force 6 à force 4 vers 5 heures du matin). Le vent était quant à lui conforme aux prévisions. Il s’est affaibli en fin de nuit, puis s’est orienté progressivement au cours de la journée à l’ouest, voire ouest nord-ouest, et s’est renforcé à nouveau légèrement vers 11 h. Dans ce type de situation, les plages les plus à l’est de la zone de débarquement subissent des vents plus forts et une mer plus agitée, ce qui peut expliquer les difficultés rencontrées dans la partie orientale de la tête de pont.

Les informations météorologiques codées durant la guerre

Pendant la guerre, toute l'information météorologique était transmise par radio, mais sous forme codée. Sauf à connaître les codes de la partie adverse, chacun ne disposait que de ses propres observations, de celles de ses alliés et des pays neutres (Espagne, Portugal …). En fait, lors du débarquement, les Alliés savaient déchiffrer les codes allemands. Ils recevaient aussi les observations météorologiques des territoires occupés via des émetteurs clandestins dont deux en France (Evreux et Châtillon-sur-Seine).

Pour autant, les cartes d’analyses de l’époque dont Météo-France dispose ne font pas apparaître les observations clandestines ou déchiffrées. Ces cartes comportent le tracé des isobares et les observations faites par les stations météorologiques (couverture nuageuse, direction et vitesse du vent, température de l'air, en degré Fahrenheit pour les Britanniques, en degré Celsius pour les Allemands).

La carte du service météorologique allemand ne présente aucune information sur les zones tenues par les Alliés : Iles Britanniques, Afrique du Nord, Italie du Sud, Sicile, Sardaigne. La Corse, qui s'est libérée en septembre 1943, ne figure pas non plus sur la carte allemande alors que l'observation de Bonifacio est présente sur la carte britannique ; en revanche, Guernesey et Cherbourg sont toujours sous contrôle des Allemands. À l'inverse, sur la carte britannique, aucune information n’est présentée pour les pays occupés (France, Pays-Bas, Europe centrale, Europe du Nord). Les observations des stations météorologiques d'Espagne, pays neutre, figurent sur les deux documents.

Des observations météorologiques réalisées par des bénévoles

Parmi les nombreux documents mis à jour aux Archives nationales de Fontainebleau, l’un d’entre eux est un relevé d’observations météorologiques effectué sur la commune du Molay (Le Molay-Littry depuis 1969), dans le Calvados, 13 km à l’ouest de Bayeux.

Le dernier relevé a été effectué le 5 juin (température minimale de 11,5 °C le 5, maximale de 27,5 °C le 4). La commune est rapidement libérée (le 10 juin), l’observateur reprend ses relevés dès le 15 juin.

Cartes prévues par les services météorologiques allemand et britannique les 4, 5 et 6 juin 1944

Carte allemande pour le 4 juin 1944

​​​​Carte allemande pour le 5 juin 1944

​​​​Carte allemande pour le 6 juin 1944

Ci-dessus, de gauche à droite les cartes allemandes des 4, 5 et 6 juin 1944.

Ci-dessous, de gauche à droite, les cartes britanniques des 4, 5 et 6 juin 1944.

​​​​Carte britannique pour le 4 juin 1944

​​​​Carte britannique pour le 5 juin 1944

​​​​Carte britannique pour le 6 juin 1944