Entretiens L'ouragan Irma a frappé les Petites Antilles en catégorie 5 début septembre 2017. Une semaine après, il sera suivi par Maria.

Météo-France

Irma, Maria, José : tirer les leçons d’une saison cyclonique exceptionnelle

02/06/2021

La saison cyclonique démarre le 1er juin dans l’Atlantique nord. La saison 2017 avait été exceptionnelle dans les Antilles frappées par 3 ouragans majeurs en quinze jours de temps.
Chloé Maffre , ingénieure d’étude à la Direction Antilles-Guyane de Météo-France, a participé au projet TIREX qui vise à tirer les enseignements de ces épisodes.

Irma, Maria, José… Les Antilles ont subi en 2017 une saison cyclonique exceptionnelle. Que s’est-il passé ?

Les Antilles ont été frappées par trois ouragans majeurs, en quinze jours de temps… Le mois de septembre 2017 sur les Antilles a été exceptionnel à plus d’un titre. C’est la première fois depuis 1850 que trois ouragans majeurs impactent l’arc antillais sur une même saison. Et cette activité cyclonique incroyable s’est concentrée sur deux semaines. Irma est le premier cyclone de catégorie 5 à atterrir sur une île des Petites Antilles depuis le début des mesures météo en 1850. Cet événement a été suivi du passage de Maria, également cyclone de catégorie 5, sur la Dominique. Dans l’histoire plus ancienne des Petites Antilles, seul le Grand Ouragan de 1780, qui a dévasté la Martinique et fortement touché la Guadeloupe, pourrait avoir atteint la catégorie 5 au moment de son passage sur les îles, au vu des témoignages des dégâts et de la violence des vents.
Ces événements se sont inscrits dans une saison cyclonique très intense sur l’ensemble du bassin atlantique nord, avec 17 systèmes nommés, dont 6 ouragans majeurs quand la normale se situe autour de 12. Ce n’est arrivé que 8 fois auparavant. Même si le record a été établi lors de la saison 2020 avec 30 systèmes nommés, cela reste assez rare. 

Faut-il s’attendre à de telles séries noires à l’avenir ?

Ce que l’on peut dire, c’est que ce type d’événements est compatible avec les simulations de l’évolution de l’activité cyclonique dans un contexte de changement climatique. Il n’y aura pas forcément plus de cyclones, mais une plus grande proportion des ouragans les plus violents. On peut s’attendre également à davantage de pluies cycloniques. 
Cette saison 2017 exceptionnelle a placé dans le champ des possibles la survenue d’épisodes considérés jusqu’alors comme extraordinaires et oblige à réfléchir à la façon de reconstruire un système plus résilient avec le spectre d’autres événements à venir. 
 

C’est ce que cherche à construire le projet TIREX ?

Le projet TIREX, Transfert des apprentissages de retours d’expériences scientifiques pour le renforcement des capacités de réponse et d’adaptation individuelles et collectives dans un contexte de changement climatique (Petites Antilles du Nord – saison cyclonique 2017) est l’un des quatre projets sélectionnés par l’ANR (Agence nationale de la recherche) à l’issue de l’édition 2018 de l’appel à projets « Ouragans ». Lancé en mai 2018, il s’articule autour de trois grands thèmes : l’amélioration de l’alerte cyclonique, l’identification des facteurs de vulnérabilité et le renforcement des capacités d’adaptation et de réponse des territoires et des sociétés.

En analysant la saison cyclonique 2017 dans les Petites Antilles, TIREX répond à la fois à une demande scientifique visant à mieux comprendre les mécanismes et facteurs de production d’une catastrophe sur un territoire insulaire, ainsi qu’à une demande sociétale et institutionnelle d’apprentissage des leçons des catastrophes pour anticiper l’adaptation aux effets de futurs épisodes climatiques extrêmes.

Quel a été le rôle de Météo-France dans cette étude pluridisciplinaires ?

Météo-France est l’un des sept partenaires du projet et contribue principalement à l’étude du volet aléa météorologique avec l’université des Antilles. À ce titre, des travaux sur les conséquences du changement climatique sur les Antilles françaises ont été mobilisés et des modélisations de rejeu des évènements cycloniques de 2017 à haute et très haute résolution ont été réalisées.

Quels enseignements peut-on en tirer ?

Les instruments de mesure in situ ont été détruits lors du passage du cyclone Irma sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy. La reconstitution météorologique des évènements à fine échelle a ainsi permis de fournir des valeurs de vents et de pluie réalistes, utiles pour l’identification des zones d’aléas cycloniques et la prévention des risques.

La question des incertitudes liées à la prévision de phénomènes extrêmes dans la prise de décision a été étudiée par une approche ensembliste, centrée sur les pluies, le vent et l’état de mer. Pour cela, Météo-France a adapté son système de prévision d’ensemble à échelle régionale PE Arome, expérimental en outre-mer, afin de produire des prévisions probabilistes des évènements, tenant compte des incertitudes. Des cartes reprenant les différents scénarios et leurs probabilités d’occurrence ont été réalisées à destination des gestionnaires de crise. Ces travaux ont ainsi permis de souligner l’intérêt de cette information dans la prise de décision lors d’évènements cycloniques.