Kirk, Milton, Leslie : succession d’ouragans dans l’océan Atlantique
11/10/2024 Kirk, Milton, Leslie, Helene… Plusieurs ouragans touchent l’Atlantique Nord depuis quelques semaines, avec des conséquences parfois dévastatrices (vents violents, pluies intenses…). Cette succession est-elle inédite ? Quel lien avec le changement climatique ? Décryptage.
Pourquoi observe-t-on autant d’ouragans à cette période ? Est-ce inédit ?
C’est de saison : la saison des cyclones tropicaux s’étend de juin à novembre dans l’Atlantique nord, avec un pic d’activité en septembre. Milton a touché terre en catégorie 3 sur les côtes de Floride mercredi soir. La Floride a déjà été touchée par l’ouragan Hélène il y a deux semaines. Plusieurs systèmes se sont cotoyés dans l’Atlantique cette semaine.
Cette situation, avec plusieurs ouragans simultanés, n’est pas inédite sur l’Atlantique nord. Ce qui est inédit, c’est la présence de ces 3 systèmes cycloniques (Milton, Kirk et Leslie) à une période si tardive dans l’année, en octobre.
Où en est-on de cette saison cyclonique ?
Cette saison, initialement prévue "hyperactive" par plusieurs organismes officiels, est atypique. L’ouragan Beryl de catégorie 5 a ouvert la saison en frappant durement et de manière exceptionnellement précoce les Etats-Unis le 2 juillet dernier. Après une période plus calme en août et début septembre, l’activité cyclonique a repris intensément depuis le milieu et surtout la fin septembre. Cette activité tardive est très inhabituelle avec trois ouragans frappant le golfe du Mexique en un mois : Francine, Helene, Milton.
Quelle est l’influence du changement climatique sur les cyclones ?
Sous l’effet du changement climatique, si les cyclones ne sont pas plus nombreux, ils sont en revanche plus violents. Les projections pour le 21e siècle indiquent une augmentation de leur intensité, en particulier pour les cyclones les plus forts. L’état actuel des connaissances indique que le changement climatique renforce les forts cumuls de précipitations associés aux cyclones. Le dernière rapport du GIEC fait état d’une augmentation de 12 % des précipitations cycloniques pour 2 °C de réchauffement planétaire depuis l’époque pré-industrielle (fin du 19e siècle). Le changement climatique pourrait également favoriser les intensifications rapides, tel qu’observé pour Milton. L’évolution du nombre de cyclones reste incertaine, mais les projections l’indiquent plutôt à la baisse.
La France est actuellement concernée par un épisode de pluies intenses lié aux restes de l’ouragan Kirk. A-t-on déjà eu des cas similaires d’anciens ouragans se dirigeant sur l’Ouest de l’Europe ?
Oui, pour des ouragans ayant évolué en tempête dite “post-tropicale” (ou extratropicale), comme c’est le cas pour Kirk. Kirk n’est plus un ouragan, mais une dépression qui a perdu ses caractéristiques tropicales au milieu de l’Atlantique. La dépression porte un air chargé d’humidité qui alimente les fortes pluies de ce milieu de semaine.
On peut citer plusieurs cas d’ouragans évoluant en dépression sur l’Europe. C’est le cas d’Ophelia, en octobre 2017, qui avait perdu ses caractéristiques tropicales au large de l’Espagne et poursuivit sa course sur l’Irlande, avec encore de violentes rafales de vent. Dans son sillage, il avait emporté plus au nord, à la fois les poussières de sable du Sahara et les poussières de cendre des feux sur le Portugal, donnant des couleurs orangées au ciel, notamment en Bretagne. En 2006, l’ouragan Hélène avait donné lieu à un système méditerranéen de type “Medicane”.
Le caractère “tropical” de la dépression Kirk est-il le facteur principal de ces forts cumuls de pluie ?
Kirk n’est plus une tempête tropicale, car elle a évolué en tempête post-tropicale. Néanmoins, elle amène sur l’Europe de l’Ouest une masse d’air d’origine tropicale, très chaude et très humide. Cette masse d’air fournit l’humidité nécessaire aux forts cumuls de précipitations attendus. Les tempêtes non tropicales peuvent également transporter des masses d’air tropicales humides via des rivières atmosphériques, et conduire à de forts cumuls de précipitations sur la métropole.
Milton s’apprête à toucher la Floride. Est-ce un ouragan historique ?
Oui par son intensité (pression au centre du cyclone), même si ce n’est pas le premier ouragan majeur à atterrir en Floride en catégorie 3 ou 4. Il fait partie des systèmes les plus creux observés en Atlantique. D’après des échanges entre expertes et experts, il arrive en 5e position en termes de basse pression en son centre, derrière, entre autres, Wilma en 2005.