Changement climatique

Baptiste Boussemart / L’œil du climat / Météo-France

Comment le climat de la France a-t-il évolué depuis 1900 ?

30/10/2025

La température moyenne dans l’Hexagone et la Corse n’a cessé d’augmenter depuis 1900. Cette évolution, d’abord lente puis spectaculaire à partir des années 1980, bouleverse les saisons, amplifie les phénomènes extrêmes, modifie durablement les paysages et perturbe les écosystèmes. Pour comprendre ces changements, encore faut-il pouvoir les mesurer. C’est tout le travail mené depuis plus d’un siècle par les services météorologiques français, dont Météo-France est aujourd’hui l’héritier. Leurs observations continues permettent de retracer avec précision l’histoire climatique du pays.

Aux origines de la mémoire du climat français

Jean-Michel SoubeyrouxL’année 1900 marque une étape décisive : « C’est à partir de cette période que l’on dispose d’un maillage national suffisamment dense pour établir une moyenne représentative du climat français », explique Jean-Michel Soubeyroux, directeur scientifique adjoint de la direction de la Climatologie et des Services climatiques à Météo-France.

Dès la fin du 19ᵉ siècle, le service météorologique français développe un réseau de stations d’observation et standardise les instruments et méthodes de mesure. Ces efforts visent à rendre comparables les données dans le temps et dans l’espace. Cette structuration progressive constitue le socle de la mémoire climatique nationale. Elle permet de suivre de façon fiable les grandes tendances du climat sur plus d’un siècle : températures, précipitations, durée d’ensoleillement, couverture neigeuse…

Aujourd’hui, Météo-France conserve plus de 7,5 kilomètres linéaires d’archives climatiques : registres de relevés, carnets d’observateurs, fiches de stations, cartes et documents techniques. Certaines archives, notamment celles de l’après-guerre, sont conservées en région parisienne, à Trappes (Yvelines). « Ces archives sont essentielles. Sans elles, nous ne pourrions pas évaluer les tendances de fond ni distinguer les causes naturelles des causes humaines », souligne Jean-Michel Soubeyroux.

Météo-France met à disposition ces enregistrements via des outils numériques, comme :

  • le portail des archives du climat, permettant d’accéder aux observations des stations à travers le pays ;
  • le portail des données publiques, donnant accès aux données ;
  • ou l’application ClimatHD qui retrace les principales évolutions observées et prévues du changement climatique par région.

La mémoire du climat, une mission clé de Météo-France

Observer, archiver, comprendre, prévoir : telle est la mission de Météo-France. Héritier du Bureau central météorologique fondé en 1878, Météo-France collecte chaque jour des millions de données issues de ses stations, radars et satellites. Ces observations, homogénéisées et archivées, forment une base de référence unique au monde.

Elles alimentent les bilans climatiques nationaux, les modèles de prévision et les études d’attribution des phénomènes extrêmes. « Ces données constituent notre mémoire collective du climat. Elles nous permettent de comprendre le climat passé et de mieux anticiper le climat futur », indique Jean-Michel Soubeyroux.

Au-delà de leur intérêt scientifique, ces archives servent aussi à éclairer les politiques publiques et à sensibiliser le grand public aux transformations en cours.

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Un siècle de mesures et de réchauffement

Concrètement, les relevés de température homogénéisés révèlent une évolution en deux grandes phases :

  • De 1900 à 1980 : le climat reste relativement stable, avec une alternance d’années froides et chaudes. Les écarts tiennent alors principalement à la variabilité naturelle : cycles océaniques, éruptions volcaniques, oscillations atmosphériques.
  • À partir des années 1980 : la courbe s’infléchit brutalement. Les températures grimpent, les hivers doux se multiplient, les épisodes de canicule deviennent plus fréquents. Après une légère baisse vers 2010, la hausse des températures s’est accélérée à nouveau ces deux dernières décennies : les canicules se sont multipliées avec des niveaux de chaleur inédits.

Evolution de la température moyenne anuelle en France

Le climat français à l’épreuve du réchauffement climatique

Les données de Météo-France montrent une évolution nette : la température moyenne annuelle a progressé de +2,1 °C en un siècle, dont une grande partie au cours des quarante dernières années. Pourquoi ?

Le changement rapide des dernières décennies, observé également à l’échelle planétaire, est la conséquence directe de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Depuis 2010, les dix années les plus chaudes jamais enregistrées en France se succèdent. Les vagues de chaleur de 2003, 2019, 2022, 2023 et encore 2025 ont établi des durées et des intensités inédites, confirmant que le climat français est entré dans une nouvelle ère.

« Le risque, c’est de s’habituer à l’anormal »

Pour Jean-Michel Soubeyroux, le pays vit déjà une transformation profonde de son climat. Depuis 1900, la température moyenne a gagné environ deux degrés et le rythme du réchauffement s’accélère depuis les années 1980. Ce qui l’inquiète le plus, c’est la banalisation de ces changements : « Ce qui nous semblait exceptionnel devient la norme », observe-t-il.

Face à ce constat, il souligne l’importance de poursuivre la recherche et l’attribution des phénomènes extrêmes : « Ces travaux sont essentiels pour comprendre, objectiver et alerter. Ils permettent de mesurer concrètement l’impact des activités humaines et d’orienter l’action », explique-t-il. Et de conclure : « Nous devons maintenir nos efforts, car comprendre le changement climatique, c’est déjà une manière d’agir pour s’y adapter et en limiter les effets. »

L’Europe, épicentre du réchauffement mondial

En matière de réchauffement climatique, la France n’est pas une exception : elle s’inscrit dans un mouvement plus large à l’échelle européenne. L’Europe connaît un réchauffement moyen (+2,3 °C à ce jour) presque deux fois plus fort que le réchauffement planétaire (+ 1,4 °C), conséquence de son caractère continental (les terres se réchauffent plus vite que les océans), mais aussi de sa position particulière entre les zones polaires arctiques et l’Afrique.

« Le réchauffement en Europe du Nord est rendu plus fort du fait de l’amplification polaire - effet lié au changement d’albédo du sol, c’est-à-dire la capacité de la surface terrestre à réfléchir la lumière du soleil, lors de la fonte de la neige. De plus, la proximité du Sahara provoque des coups de chaleur à répétition sur le Sud de l’Europe », rappelle Jean-Michel Soubeyroux.

Ces dynamiques amplifient les contrastes régionaux déjà visibles dans l’Hexagone : des hivers plus doux au Nord et à l’Ouest, un climat méditerranéen de plus en plus chaud et sec, et des montagnes où la neige et les glaciers reculent à vue d’œil.

Fonte d'un glacier
Laurent Heurley / Météo-France / L’Œil du climat

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Si les émissions de gaz à effet de serre se maintiennent selon les trajectoires actuelles, la hausse de la température moyenne pourrait augmenter jusqu’à + 4°C d’ici 2100. « Dans un scénario où le monde atteindrait +3 °C de réchauffement global, la France se situerait plutôt autour de + 4 °C », prévient Jean-Michel Soubeyroux. « Chaque dixième de degré supplémentaire multiplie les impacts sur la santé, les activités socio-économiques et les milieux naturels. »

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À retenir

  • Sur  2015-2024, la hausse des températures en France hexagonale et en Corse depuis le début du 20e siècle est estimée à + 2,1 °C.
  • Cette estimation s’appuie sur les réseaux d’observations météorologiques structurées (ou séries continues) qui ont débuté à la fin du 19ᵉ siècle en France.
  • Ces séries continues constituent une mémoire scientifique unique, essentielle pour comprendre l’évolution du climat et sa variabilité naturelle ou d’origine anthropique (attribuée aux activités humaines).
  • L’accélération du réchauffement depuis les années 1980 est liée à la hausse de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, due aux activités humaines.
  • L’Europe se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale : les terres continentales, éloignées de l'influence des océans, ainsi que la position particulière entre Arctique et zone saharienne, amplifient la hausse des températures.
  • Depuis les années 1980, les hivers sont plus doux, les étés plus longs et plus chauds et les glaciers reculent rapidement dans les Alpes et les Pyrénées.
  • Si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel, la température moyenne en France hexagonale et Corse pourrait augmenter jusqu’à +4 °C d’ici à 2100.
  • Chaque dixième de degré compte : limiter le réchauffement mondial reste essentiel pour façonner le climat de demain.