Changement climatique

Jérémy Garamond - L’Œil du Climat - Météo-France

Comment le changement climatique transforme notre quotidien

16/10/2025

Le changement climatique provoque des bouleversements visibles dans toutes les régions de France. Hausse des températures, baisse de l’humidité des sols, pluies plus intenses, épisodes extrêmes plus fréquents : ces évolutions ont déjà des répercussions sur de nombreux aspects de notre vie quotidienne et elles vont s’accentuer avec le changement climatique. Voici quelques illustrations dans l’Hexagone.

Vagues de chaleur : une menace pour la santé et les conditions de vie en ville

Les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes et plus intenses. Sur les 51 vagues de chaleur recensées depuis 1947 à l’échelle nationale, la moitié (25) ont eu lieu entre 1947 et 2010 (donc en 63 ans), et l’autre moitié (26) ont eu lieu depuis 2011 (en moins de 15 ans). L'été 2003 reste l'un des plus marquants, avec plus de 15 000 décès attribués à la canicule. Depuis, les épisodes extrêmes continuent de provoquer une surmortalité, et près de 33 000 décès liés aux vagues de chaleur ont été enregistrés en France entre 2014 et 2022.

Dans les logements mal isolés ou peu ventilés, la chaleur peut s’accumuler lorsqu’elle persiste plusieurs jours d’affilée, surtout en ville. Les nuits chaudes deviennent plus fréquentes, ce qui fatigue l’organisme. Le nombre de nuits chaudes pourrait être multiplié par 4 à l'horizon 2100 dans l’Hexagone, atteignant jusqu’à 120 nuits par an sur le bassin méditerranéen. En milieu urbain, l’effet d’îlot de chaleur ralentit le rafraîchissement nocturne. Les fortes chaleurs provoquent aussi une surchauffe dans les écoles, hôpitaux, lieux de travail et bâtiments recevant du public et les conditions de travail en plein air peuvent engendrer des effets significatifs sur la santé des travailleurs. La qualité de l’air peut se dégrader, en raison de la concentration d’ozone, ce qui affecte les personnes fragiles. Les fortes chaleurs peuvent aussi perturber les transports : ralentissements ferroviaires, pannes de matériel ou déformations de chaussées.

L’œil des experts

Lola Corre, Météo-France« Les températures extrêmes ont des impacts importants sur la santé humaine, la biodiversité et sur de nombreuses activités socio-économiques. Divers indicateurs sont utilisés pour décrire leur évolution. Tous sont à la hausse. » Lola Corre, climatologue chez Météo-France

Jean-Michel Soubeyroux« L'été caniculaire de 2022 ne présentera plus de caractère exceptionnel en milieu de siècle et deviendrait un été frais dans une France à +4 °C en fin de siècle. » Jean-Michel Soubeyroux, Directeur adjoint scientifique de la direction de la Climatologie chez Météo-France

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Vidéo : que fait Météo-France pour anticiper une canicule ?

Des sécheresses qui génèrent des coupures et restrictions d’eau de plus en plus fréquentes

Les périodes de sécheresse (sol sec, bas débit des cours d’eau) durent plus longtemps, surtout en été, et les nappes souterraines, fortement sollicitées, connaissent régulièrement des problèmes de recharge. Lors de l’importante sécheresse de 2022, plus de 600 arrêtés préfectoraux ont été pris pour limiter l’usage de l’eau dans 93 départements. Dans certaines communes, les réserves locales peuvent devenir insuffisantes pour alimenter le réseau d’eau potable. En 2022, environ 100 communes ont dû être ravitaillées par camions-citernes. En 2100, l’évapotranspiration entraînera la perte de l’équivalent d’un à deux mois de pluie.

« Dans une France à +4 °C, l’élévation des températures provoquera une évapotranspiration des plantes et des sols beaucoup plus importante. Les événements de sécheresse pourront être beaucoup plus longs qu’aujourd’hui, parfois sur plusieurs années consécutives. » Jean-Michel Soubeyroux

Inondations par ruissellement : un risque accru en milieu urbain

Avec l’intensification des pluies intenses, les inondations par ruissellement deviennent plus fréquentes, particulièrement dans les zones très urbanisées où les sols imperméabilisés ne permettent plus une absorption suffisante de l’eau. En 2022, plus de 60 % des dégâts liés aux inondations déclarées aux assurances étaient dus à ce phénomène. Près de 17 millions de Français et 9 millions d’emplois sont exposés au risque d’inondation par débordement de cours d’eau, ruissellement et submersion marine. Ces événements entraînent des dégâts sur les habitations, les sous-sols et les voiries, affectant directement la sécurité des habitants.

« Dans une France à +4 °C, les pluies intenses se renforceront en France hexagonale et en Corse, avec une hausse de 10 % en 2050 et 15 % en 2100, et jusqu'à +20 % sur la moitié nord. Cela aggravera le risque d'inondation, notamment dans les secteurs fortement imperméabilisés comme les villes. » Jean-Michel Soubeyroux

« On observe déjà une intensification des pluies extrêmes sur de courtes périodes, comme en 2020 dans les vallées de la Roya et de la Vésubie où il est tombé en 24h presque l’équivalent de la moyenne annuelle. Il reste difficile de chiffrer précisément l’évolution future de ces phénomènes, mais le principe est clair : un air plus chaud retient davantage d’humidité, ce qui accroît le potentiel de pluies intenses. Dans une France réchauffée de +4 °C, il faut s’attendre à des épisodes cévenols encore plus violents et plus fréquents. » Lola Corre

Mouvements de sol argileux endommageant maisons et routes

Les sécheresses répétées provoquent la contraction des sols argileux, suivie de gonflements lors des épisodes pluvieux. Ce cycle, appelé retrait‑gonflement des argiles, est responsable de fissures dans de nombreuses maisons et de déformations des routes. Environ 10,4 millions de maisons individuelles sont exposées à ce phénomène en France hexagonale, soit près de la moitié des maisons. Près de 48 % des sols sont classés en zones à exposition moyenne ou forte à ce risque, qui concerne une large partie du territoire. La prise en charge de ces sinistres a coûté plus de 3 milliards à la Caisse Centrale de Réassurance en 2022 dans le cadre du dispositif de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Des cultures fragilisées par les événements extrêmes

L’agriculture est de plus en plus confrontée à une succession d’événements climatiques extrêmes, qui déstabilisent les récoltes et les rythmes de production. Des sécheresses prolongées réduisent les rendements ; à l’inverse, des excès de pluie peuvent retarder les semis ou empêcher les récoltes. Les gelées printanières produisent des dégâts importants aux cultures en stade végétatif avancé dû à des épisodes hivernaux de grande douceur. En 2022, les pertes de rendement ont atteint -20 % pour certaines cultures comme le soja ou le maïs. Le calendrier agricole devient plus difficile à anticiper, avec des alternances brutales entre périodes trop sèches et trop humides.

Des transports perturbés par les chaleurs et les intempéries

Lors des fortes chaleurs, des ralentissements, voire des interruptions de trafic, sont imposés sur certaines lignes ferroviaires pour éviter la déformation des rails ou autres anomalies sur les voies. Selon la Cour des comptes, 50 % du réseau ferroviaire français est soumis à un risque élevé de dilatation ou d'instabilité en raison de la chaleur. Des orages violents peuvent entraîner l’inondation temporaire de gares, de tunnels ou d’axes routiers.

Tensions sur la production d’électricité en période de canicule et de sécheresse

Le changement climatique perturbe aussi la production et la distribution d’énergie, en particulier lors des canicules ou des périodes de sécheresse. Les centrales nucléaires doivent parfois réduire leur puissance ou interrompre leur fonctionnement lorsque la température des cours d’eau dépasse les seuils autorisés pour le refroidissement. De même, la production hydroélectrique peut diminuer en cas de sécheresse prolongée, comme cela a été observé à l'été 2022 avec une baisse de -20% par rapport à la moyenne 2017-2021.

Des équilibres naturels bouleversés

Le changement climatique modifie le rythme des saisons et le fonctionnement des écosystèmes naturels, en influençant le développement, les migrations ou les cycles de reproduction de nombreuses espèces. Chaque degré de réchauffement pousse les espèces à migrer environ 200 km plus au nord. Les milieux naturels affaiblis par la succession de canicules et sécheresses sont plus sensibles aux maladies et ravageurs (comme les scolytes pour la forêt). En France, 18 % des espèces de faune et de flore sont menacées. La floraison de certains arbres commence plus tôt dans l’année, et plusieurs espèces animales remontent vers le nord ou changent d’altitude. Ces décalages perturbent les interactions entre espèces, comme la pollinisation ou les chaînes alimentaires. Les périodes d’allergie s’allongent avec l’extension des saisons de pollinisation.

Parallèlement, l’évolution du climat accroît aussi les risques sanitaires : des hivers plus doux et des périodes chaudes plus longues favorisent l’expansion du moustique tigre, aujourd’hui présent dans 81 départements (contre quelques uns en 2004), et expliquent l’émergence récente de cas autochtones de chikungunya, révélant une augmentation tangible du risque infectieux et épidémique en France.

Risques accrus d’incendies

Les conditions de risque élevé de feux de forêt se multiplient sous l’effet du changement climatique. Des étés plus secs, plus longs et plus chauds assèchent les sols et la végétation. Ces facteurs augmentent la fréquence, la précocité et l’intensité des incendies, notamment dans le sud-est, mais aussi dans des zones auparavant moins exposées comme les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine, la Bretagne ou l’Île-de-France.

L’année 2022 a été marquée par plus de 72 000 hectares brûlés dans l’Hexagone, un niveau jamais atteint depuis plus de 15 ans. Dans une France à +4 °C à l’horizon 2100, le risque de feu se généraliserait à l’ensemble du pays avec une forte aggravation dans la région méditerranéenne. La saison de risque élevé à modéré des feux s’allongerait, avec un démarrage plus précoce et une fin plus tardive en automne. Dans certaines régions, la saison complète des feux pourrait durer 1 à 2 mois supplémentaires.

Littoral en recul : érosion et submersions en hausse

En France hexagonale et en Corse, sous l’effet notamment de la hausse du niveau marin, près de 19 % du trait de côte est en recul, selon l’indicateur national de l’érosion côtière. Dans environ 7 % des cas, le recul dépasse 0,5 mètre par an. Ce phénomène touche de nombreuses communes du littoral atlantique et méditerranéen, particulièrement en Vendée, en Charente-Maritime ou en Camargue.

En 2100, si rien n’est fait, 450 000 logements, 55 000 locaux d’activités et 10 000 bâtiments publics seraient menacés par l’érosion côtière. En parallèle, environ 1,5 million d’habitants sont d’ores et déjà exposés au risque de submersion marine. Routes, habitations ou infrastructures touristiques peuvent être touchées par ces aléas, avec des conséquences visibles sur l’aménagement du littoral.

Canicules marines : des vagues de chaleur sous l’eau

Les canicules marines, ces périodes où la température de la mer dépasse largement la normale, sont de plus en plus fréquentes, notamment en Méditerranée et dans les territoires ultramarins. Elles provoquent des mortalités chez les coraux, coquillages ou herbiers marins et perturbent les cycles de reproduction de nombreuses espèces. L’été 2025 a été marqué par une canicule marine exceptionnelle en Méditerranée, avec des températures dépassant de +5 °C les normales.

Vidéo : que fait Météo-France pour surveiller les canicules marines ?

Des activités touristiques perturbées

Le tourisme, fortement dépendant des conditions climatiques, subit également les effets du changement climatique. Dans les stations de ski, la baisse de l’enneigement limite régulièrement la pratique des sports d’hiver à basse et moyenne altitude. À l’horizon 2100, en moyenne montagne, la période d’enneigement significatif pourrait être de moins de 2 mois. Les activités de plein air, comme l’alpinisme, la randonnée, le vélo ou le canoë, peuvent aussi être restreintes en raison des risques de chutes de bloc, d’incendie, de la fermeture de certains sentiers ou du manque d’eau dans les rivières. La répétition des canicules estivales dans les régions méditerranéennes en été provoque le déplacement de nombreux touristes vers la Bretagne et les côtes de la Manche.

Le changement climatique modifie de nombreux éléments concrets de notre environnement et d’organisation de nos sociétés : la température ressentie dans les logements, l’état des bâtiments, la disponibilité de l’eau, la production agricole, la régularité des transports, la production d’électricité ou les écosystèmes naturels. Ces effets, déjà visibles, s’intensifieront dans les décennies à venir. Leur prise en compte est essentielle pour adapter les territoires, les infrastructures et les modes de vie aux nouvelles conditions climatiques.

Sources : Santé publique France, ministère de la Transition écologique, France Assureurs, Cerema, BRGM, ministère de l’Agriculture, Anses.

À quoi ma commune devra-t-elle s'adapter ?

Météo-France met à disposition de tous le service Climadiag Commune, en accès libre et gratuit, pour décrire les évolutions potentielles du climat et leurs impacts dans chaque commune en 2030, 2050 et 2100.

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Le CRACC, un appui pour les territoires et les élus face au changement climatique

Le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique (CRACC), dont Météo-France est partenaire, accompagne les collectivités et les décideurs dans la mise en œuvre de stratégies d’adaptation. Il rassemble données climatiques, outils pratiques et retours d’expérience pour aider chaque territoire à anticiper les impacts du climat et à développer des actions adaptées.